Cela fait déjà plusieurs semaines que j’ai refermé ce roman. Il me laisse mitigée. L’idée de départ me paraissait originale : le roman démarre sous la forme d’un conte, en présentant un monde où les humains et les ours sont en rivalité. Jusqu’au jour où l’homme décrète que les bêtes ne peuvent plus s’approcher des villages, sous peine de se faire massacrer. Un jour, l’un d’eux enlève une jeune fille réservée de 18 ans appelée Suzanne, et la garde en captivité durant 3 longues années. Cette horrible période sera ponctuée de viols, qui donneront d’ailleurs naissance à un être hybride. Un bébé mi-ours, mi-humain. Le prologue se referme sur la libération de Suzanne par un groupe de chasseurs, son internement car considérée comme une sorcière, et la vente de son enfant.
L’histoire sera ensuite présentée par ce personnage complètement atypique. Il déballe, à l’aide d’un « je » déterminé, ses pérégrinations autour du sort que ses multiples propriétaires lui réservent. Il le fait avec tristesse et un regard noir mais réaliste sur son rapport à l’humain. Car « l’ours » passera tour à tour entre les mains d’un montreur, d’un organisateur de combats d’animaux, fera ensuite une plus longue escale parmi une troupe de cirque et terminera finalement dans un zoo qui vend du rêve à des spectateurs aveuglés. C’est la domination de l’Homme sur l’animal, frôlant évidement tout au long du récit, la manipulation, la maltraitance, et la course vers toujours plus de rentabilité. Des parenthèses plus fantaisistes garde le lecteur dans un monde où, entre autres, un homme-serpent côtoie une dame de plus de 150 ans, abrités tous deux dans une galerie de monstres attisant la curiosité de spectateurs sans cesse en attente de l’extraordinaire.
Plutôt qu’offrir une histoire, Joy Sorman mise tout sur un personnage désemparé, mélancolique, qui se cherche. On a évidement mal pour lui, surtout lorsqu’il expose les conditions dans lesquelles il est exploité. Partout où il est, il cherche le sens de sa vie et se pose beaucoup de questions sur son identité. Il campe entre deux mondes sans jamais arriver à se situer : son physique se rapproche clairement de l’animal, mais la réflexion qu’il possède est plutôt humaine. Cette ambiguïté est intéressante et amène une lecture à part de ce qu’on a l’habitude de lire.
J’ai trouvé par ailleurs l’écriture masculine, sans doute due à l’ambiance, plutôt bien plantée. L’intérêt de ce livre réside dans les questions qu’elle soulève, sur un monde animal sans cesse lié à la bonne volonté de l’humain. J’ai été intriguée par le parcours de la bête, mais sans jamais vraiment savoir vers où j’allais. Je m’attendais peut-être à une exacerbation de ce mélange du à un accouplement contre-nature. J’avais besoin de quelques chose de plus, en tout cas, pour entrer véritablement dans cet univers sombre.
Il n’a peut-être pas su me toucher, mais « La peau de l’ours » a le mérite d’exister dans sa différence et l’originalité de son sujet.
Joy Sorman, « La peau de l’ours », Editions Gallimard, 2014, 160 pages.
j’ai aimé l’écriture magnifique mais ce livre m’ a mise mal à l’aise par certains aspects ( je n’ai pas encore rédigé de billet )
Je serai intéressée de lire ton avis! Je m’attendais sans doute à autre chose.
Je l’ai lu et aimé, étant entrée davantage dans l’oeuvre que toi, on dirait !
En effet, je suis restée très en surface. Ma lecture a même traîné. Mais au final je m’en rappellerai malgré tout de cet ours à part!
Tu es le premier commentaire mitigé que je lis sur ce livre 🙂 bisous ma chère Laeti
Tu comptes le découvrir à ton tour? Bisous
Pas bien certaine que ce soit pour moi… j’avoue ne pas être sensible du tout au monde animal et à son intrication avec le notre…
Si le sujet n’est déjà pas ton fort, je te le déconseillerai car le roman se focalise sur ce rapport de domination. Il est d’ailleurs sombre comme roman. Mais très original et interpellant.
Je fais partie des adeptes de ce livre, mais je comprends qu’il ne puisse pas toucher ; je trouve d’ailleurs la conclusion de ta chronique très juste 🙂
Je n’ai pas envie de dire de mal de ce roman car il est vraiment très bien ficelé. Mais je me suis ennuyée en fait.
Il a été pépité par deux blogueuses, mais vraiment plus je lis les chroniques, moins je suis motivée à le lire. Et ton billet m’en éloigne encore plus, tes bémols me font assez peur.
Ces deux pépites m’avaient poussée vers cette lecture, et les dimensions du roman qu’elles ont appréciées, c’est justement ce qui m’a le moins plu. Comme quoi 🙂
Voilà un roman qui semble très intrigant ! Mais je ne sais pas si je suis tentée par de tels sujets en ce moment… Peut-être plus tard.
En tout cas, c’est un roman atypique, qui attise beaucoup de curiosité. Je suis heureuse de l’avoir lu pour cette dimension de roman « à part ».
Je l’ai emprunté à la bibli, mais finalement après avoir feuilleté quelques pages je l’ai rendu…
Les premières pages ne t’ont pas encouragée à aller plus loin? J’ai adoré le prologue, sous forme de conte. Mais je n’ai pas retrouvé cette ambiance dans le reste du roman.
Avec un tel titre, je n’aurais même pas pris la peine de le retourner personnellement (les animaux dans la littérature, très peu pour moi), mais tu as réussi à m’interpeler malgré tes bémols. Cette double identité me semble intéressante, mais est-elle vraiment exploitée en tant que telle (avec un sentiment d’appartenance aux ours, une envie de retourner vers eux en sachant ne pas en être un, par exemple) ? Ou le sujet se concentre-t-il surtout sur l’exploitation de l’autre différent et de l’animal, comme tu sembles le faire comprendre dans ton article ?
Cet être hybride est avant tout pris comme un ours par le monde extérieur (les dompteurs, les propriétaires d’animaux…), et le roman présente son parcours à travers les différents endroits où il atterrit. Ainsi, l’accent est mis sur le rapport de domination de l’Homme sur l’animal. L’auteure parle aussi d’autres animaux, ceux du cirque, du zoo, de leurs conditions de vie.
En parallèle, le lecteur reçoit les pensées de l’homme-ours avec son intelligence humaine (et c’est ça qui est intéressant!). Il pose des mots sur ce qui se passe autour de lui, qu’un animal « ordinaire » ne pourrait faire.
Ceci dit, je m’attendais à ce que l’auteure exploite davantage cette double identité.
J’espère que mes explications sont claires? 🙂
C’est clair et confirme ce que je craignais, le thème que j’aurais aimé voir exploité, comme toi, l’est moins. Merci pour ces précisions !
Il fait partie de ceux que j’ai notés et que je lirai un jour ou l’autre 😉
Je te souhaite d’être envoûtée par ce livre peu ordinaire 🙂