Presque 15 ans jour pour jour, Joyce Maynard revient sur la plus grosse tragédie perpétrée sur le territoire américain. Les attentats du 11 septembre, ce sont plus de 3.000 victimes, et un visage en particulier : celui de la maman de Wendy, l’héroïne de ce roman, seulement âgée de 13 ans. Son monde s’écroule, ainsi que celui de Josh son beau-père et de son petit frère Louie, 3 ans. Au fur et à mesure que les jours passent, l’évidence apparaît, qu’ils ne peuvent évidemment envisager. Le père biologique de Wendy, Garret, décide alors de la reprendre chez lui en Californie. Un père absent durant toutes ces années, et qui tout d’un coup s’empare d’un rôle qu’il a du mal à apprivoiser. S’ajoutent à cette douloureuse épreuve, les doutes et interrogations que traversent les adolescents, les métamorphoses corporelles, tout cela si justement décrit par l’auteure (inspirée par ses enfants ados, dit-elle en début de livre). Loin de tout, Wendy réapprendra les « règles d’usage », manger, étudier, dormir… vivre. La musique et la littérature sont vus ici comme des pansements, des guides qui lui permettront d’avancer. Deux arts parmi lesquels elle enfuit son esprit pour y piocher tout ce qui pourra lui servir à sa propre évolution. Nombre de références ponctuent ce parcours et qui participent à la richesse du roman.
New-York n’existait plus, ni cette montagne de gravats haute de deux kilomètres, ni les avis de recherches placardés dans le métro, ni même Josh penché sur les albums de photos, ni Louie scotché devant la télévision qui n’était même plus allumée, ni le poids qui lui pesait sur la poitrine à la seule pensée de sa mère. La musique occupait tout son esprit, et pas seulement son esprit, mais son corps. Tout le reste avant peut-être changé, mais pas la musique. (pp.446-447)
Pour cette rentrée 2016, Joyce Maynard signe un roman délicat, dont j’ai sous-estimé la puissance émotionnelle – ce qui est loin d’être sa faute, je ne suis pas fan des histoires d’ados. Ce qui fait, à mes yeux, la réussite de ce nouveau titre est qu’elle arrive à rendre cette histoire lumineuse et optimiste, sur fond de tragédie et de la perte immense qu’est le décès d’un parent. On assiste à la lente mais sérieuse reconstruction de Wendy, cette fillette qui vient non seulement de perdre sa maman et qui doit, en plus, composer avec ce papa qu’elle ne connaît pas, dans un environnement qui lui est également totalement étranger.
Fait de nombreux retours en arrière, constitués de souvenirs que Wendy se remémore de sa maman, mais aussi avec Josh et son petit frère Louie, ce roman parle aussi de ces paroles qu’on a un jour eues envers des êtres chers, qui resteront gravées à jamais parce qu’on n’aura plus de seconde chance pour les rattraper. Maynard évoque ainsi douloureusement les regrets d’une gamine envers sa maman disparue, tout ce qu’elles ne pourront pas vivre ensemble, dont le poids l’enferme dans une carapace difficilement pénétrable.
Seuls le temps, et les rencontres, lui permettront de s’ouvrir à nouveau à ce monde qui n’est finalement pas si sombre que le laisse entendre l’actualité.
La vie était beaucoup plus simple avant, hein? dit Amelia. Tout est devenu trop compliqué.
Elle a probablement été toujours compliquée, répliqua Wendy. On ne le savait pas, c’est tout. (p.399)
Wendy est très émouvante, ainsi que tous ces seconds personnages qui l’entourent et qui ne lui veulent que du bien. Elle est dotée d’une impressionnante maturité et se servira au fil des mois de toutes ces nouvelles situations qu’elle vit, et qui sont à l’opposée de sa vie à New-York, pour sortir encore plus grande et incroyablement forte de ce deuil. J’ai également beaucoup aimé le personnage de Carolyn, la belle-mère de Wendy, cette femme un peu « à part », qui aime les cactus comme ses enfants et lit les lignes de la main, qui cherche timidement à s’approcher de Wendy pour lui offrir la présence féminine si importante pour une adolescente.
Ce sont des personnages qu’on a du mal à quitter, tellement on se sent bien parmi eux. A eux tous, se crée une force, une énergie, qui permet à chacun d’avancer dans ses propres tourments.
Un merveilleux roman sur la résilience, l’amour – fraternel, familial, amical – et la beauté des rencontres. Du grand et émouvant Joyce Maynard! Il sort ce 1er septembre.
Après « L’homme de la montagne« , et « Long week-end« , « Les règles d’usage » est clairement mon préféré.
Merci aux éditions Philippe Rey de m’avoir permis de lire ce roman en avant-première!
Joyce Maynard, « Les règles d’usage », (traduit par Isabelle D. Philippe), Editions Philippe Rey, 2016 (édité aux Etats-unis en 2003), 472 pages.
(Contente de te relire 😉 )
Je suis sûrement la dernière personne sur cette Terre à ne pas avoir lu Joyce Maynard ..!
Mais ça va bientôt être réparé! J’ai emprunté y a quelques temps « Les filles de l’ouragan » .
Ce que tu dis de celui-ci me plait beaucoup (et comme tu as pu le voir sur mon blog, les histoires d’ado, c’est un peu ma came 😉 ),
Merci pour ton commentaire et de continuer à me suivre 🙂 Je te conseille à 1000% cette auteure! Connaissant un peu tes goûts désormais, je pense vraiment qu’elle te touchera aussi! Je n’ai pas encore lu « Les filles de l’ouragan », mais je compte le faire. Je te conseille aussi « L’homme de la montagne »! A bientôt, bizz
J’ai commencé Les fille de l’ouragan hier! 🙂 Je ne suis donc pas très loin dans ma lecture mais ça me plait!
Je ne l’ai pas lu! Je suis curieuse de lire ton ressenti!
Ah bravo, tu frappes fort pour ta rentrée ! Quelle tentation ! Heureusement que j’ai encore deux Joyce Maynard en réserve pour me faire patienter. J’ai déjà lu Long week-end et Les filles de l’ouragan, qui reste mon petit chouchou parce que lu en premier.
C’était une bien belle motivation pour reprendre, n’est-ce pas?! Je compte lire ses livres plus autobiographiques, tout aussi émouvants paraît-il!
Nous sommes deux ! Moi non plus je n’ai pas encore lu Joyce Maynard. Mais ce titre empreint de sensibilité semble très séduisant !
Parmi ceux que j’ai lus, c’est le plus émouvant et le plus touchant. Le sujet y est pour quelque chose évidement, mais le parcours intérieur de cette petite Wendy est remarquablement décrit. J’ai été très triste de le refermer! Et ça ne me m’arrive pas souvent!
Oh là là tu me tentes tellement ! J’aime énormément cette auteur et ce titre semble faire partie de ses grandes réussites !
Après 3 titres lus, elle ne m’a pas encore déçue! Et heureusement pour moi, il m’en reste quelques-uns à découvrir 😀
Je rejoins Céline, tu nous tentes ! J’ai des déceptions (« Les filles de l’ouragan »), et des coups de coeur avec cette auteur (« Et devant moi le monde »). Je crois que je vais jeter un oeil sur celui-ci, merci !
Qu’est ce que tu n’avais pas aimé avec « Les filles de l’ouragan »? Je te conseille celui-ci sans aucun doute!
Je l’ai lu il y a peu et qu’est-ce que j’ai aimé !!
Il semble marquer le coup un peu partout et à très juste titre!
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