Le roman s’ouvre sur les mots d’un homme, vivant à Paris, qui semble être à côté de sa vie. Il erre, ne sait pas ce qu’il veut, quel sens donner à son existence. Il multiplie les filles, sans jamais s’attacher. Il pense à Ana…
C’est alors qu’il remonte les souvenirs. Ces souvenirs qui l’ont façonné. A ses 10 ans, au Burundi, lorsqu’il y vivait avec son père, sa mère et sa sœur. Au moment où tout était paisible et lui, innocent. C’est l’histoire de Gabriel, ou plutôt, de Gaby.
Ce sont les mots d’une enfance joyeuse, qui défilent d’abord, dans un pays où il se sent bien. Son père est français et sa maman est rwandaise.
Bientôt ce sera la fin de mon anniversaire, je profitais de cette minute avant la pluie, de ce moment de bonheur suspendu où la musique accouplait nos cœurs, comblait le vide entre nous, célébrait l’existence, l’instant, l’éternité de mes onze ans, ici, sous le ficus cathédrale de mon enfance, et je savais alors au plus profond de mois que la vie finirait par s’arranger. (p.110)
Gaël Faye, qui s’ouvre à travers ce personnage de Gabriel, se replonge dans ce qui était alors ses plus belles années : l’odeur des fruits, les premières cigarettes, les bières. C’est la période les 400 coups avec les copains! Gino son frère de sang, Armand et les jumeaux. A eux cinq, c’est une petite bande qui vole quelques fruits, se moque gentiment des voisins… Des p’tits mecs qui veulent parfois jouer les caïds mais qui gardent leur âme d’enfant. Il y a cet endroit, l’impasse, où il se réfugient, dans un ancien combi VW, qui renferme tous ces moments de bonheur qu’on n’oublie jamais.
Mais Gaby sent que quelque chose se trame, particulièrement alerté par le comportement changeant de son père. Une musique classique à la radio, et tout est compris. La guerre a éclaté au Rwanda, pays limitrophe, et surtout, le berceau de sa mère.
Je voulais me lover dans un trou de souris, me réfugier dans une tanière, me protéger du monde au bout de mon impasse, me perdre à nouveau parmi les beaux souvenirs, habiter de doux romans, vivre au fond des livres. (p.188)
Tout ce cocon que Gaby tentait de maintenir bien précieusement vole alors en éclat. Malgré tout, il ne veut pas se laisser atteindre par la violence et la haine qu’il sent dans l’air et qui gagnent son entourage. Il devient également le témoin de la déchéance de sa maman, qui a assisté au massacre de sa famille au Rwanda. Chaque personne qui lui était chère, sera touchée à jamais par ce génocide. Il essaie malgré tout de rester dans sa bulle. Les livres prêtés par une dame grecque vivant tout à côté, lui offrent cette enveloppe sécurisante. Mais la barbarie s’étend, elle n’a plus de frontières.
Même si je n’ai pas ressenti l’extase partagée par la grande majorité des blogeurs-ses, j’avoue avoir été totalement séduite par l’écriture si poétique de Gaël Faye. Avec des mots simples, il nous plonge dans une atmosphère enveloppante. Une poésie qui n’amoindrit en rien ces horreurs, mais qui donne une dimension plus aérienne et délicate de la situation. Je n’ai vraiment accroché qu’à la seconde partie du roman où je deviens hypnotisée par les mots de ce jeune Gabriel. Il sous-entend les événements qui secouent le Rwanda et qui touchent directement sa famille, sans jamais entrer dans la violence. On reste avec lui dans sa bulle. Ce regard innocent, parfois même naïf, qu’il garde à tout prix, m’a touchée. Je trouve merveilleux et très intelligent le ton, le style que l’auteur emploie pour aborder ce pan de l’Histoire.
Au final, Gaël Faye ouvre son cœur d’une façon juste et poétique, et se livre dans ce très beau premier roman, son « Petit pays », qui reste à jamais gravé dans sa mémoire. Ses lecteurs sont chanceux de cette évocation qu’ils devraient partager, à leur tour, encore et encore. Enfin, c’est un livre qui peut convenir au jeune public aussi.
Un texte sincère et précieux!
Grâce à mes lectures, j’avais aboli les limites de l’impasse, je respirais à nouveau, le monde s’étendait plus loin, au-delà des clôtures qui nous recroquevillaient sur nous-mêmes et sur nos peurs. (p.170)
Gaël Faye, « Petit pays », Editions Grasset, 2016, 217 pages
Bien sûr, un très bon premier roman. Mais, comme toi, je n’ai pas «ressenti l’extase partagée par la grande majorité des blogeurs-ses». Loin de là. Sur le même thème, je viens de terminer « J’ai longtemps eu peur de la nuit » de Yasmine Ghata. Et là… extase!
Je m’insère dans vos commentaires… Marie-Claude, il est dans ma pile à lire, j’ai tellement hâte de le découvrir et d’avoir ton avis.
(Je parle du Ghata 😉 )
Salut Marie-Claude, je retiens ce titre que tu conseilles et que tu as bcp plus apprécié! Au final, j’ai bcp aimé « Petit pays », mais j’avoue que le début a été rude ^^
Je trouve aussi que ce livre peut très bien convenir à de jeunes ados. D’ailleurs il a reçu le prix Goncourt des lycéens. 🙂
Oui, pour des ados, c’est parfait!
Je bûche sur mon billet sur le Ghata. Choisir les bons mots. Celui-là, il frappe très très fort. Et pourtant, on en parle très (trop) peu…
C’est sans doute ça qu’il faut : des lectures dont on parle peu! Pouvoir les dénicher et les valoriser!! Ceux que tout le monde aime, je vais finir par m’en méfier.
Oui et c’est une très bonne chose! Une bonne lecture pour l’école par exemple!
Pour revenir sur ton commentaire ci-dessus: «des lectures dont on parle peu! Pouvoir les dénicher et les valoriser!! Ceux que tout le monde aime, je vais finir par m’en méfier.».
Je plussoie. Le hic, c’est quand on a très envie de lire un livre, indépendamment du fait qu’ils soient surmédiatisé. Je suis plongé dans un roman qu’on voit partout, et un autre à lire, qui me fait très très envie, qu’on voit vraiment partout! Heureusement, il y a les autres, les surprises qu’on voit peu, qu’on a envie de partager et qui font leur p’tit bout de chemin.
Un beau titre de la rentrée !
Un livre qui m’a laissée de côté…
alors tu sais quoi je me méfie toujours des livres entourés d’un battage médiatique pareil. Mais ton billet me ferait presque flancher…
Il me tarde de découvrir ce fameux roman…!
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