L’histoire de Jim était devenue inséparable de la mienne. Quel que fût l’avenir qui nous attendait, Jim et moi le traverserions ensemble. (p.261)
Comme l’année passée à la même période, j’étais super emballée de découvrir en avant-première la nouvelle publication de Joyce Maynard. Mais cette année, ce qu’elle sort a une saveur particulière, c’est celle de l’intime. En effet, elle se dévoile à cœur ouvert dans ce récit où elle revient sur les 5 années qui viennent de s’écouler. La période où la romancière américaine rencontre Jim, l’homme qui lui a permis de redécouvrir le véritable amour. Mais aussi celle où elle le perd, emporté par un cancer du pancréas.
Je n’ai lu aucune autobiographie de Joyce Maynard, non pas par manque d’intérêt car j’aimerais beaucoup en savoir plus sur sa jeunesse et son parcours. C’est donc une première pour moi de lire l’un de ses écrits où elle est au premier plan, et surtout dans lequel elle fait part d’une épreuve tant douloureuse que personnelle.
J’avoue « Un jour, tu raconteras cette histoire » me divise. Je l’ai beaucoup aimé, mais il s’agit malgré tout d’une lecture difficile.
La première partie est consacrée finalement à sa « renaissance« . Joyce Maynard fait preuve d’un humour vraiment fin lorsqu’elle aborde ses rencontres ratées avec les hommes. Après son divorce prononcé il y a presque 20 ans, l’auteure n’a plus eu l’occasion de retrouver l’Amour avec un grand A. Elle s’est donc focalisée sur son travail, ses livres, et ses enfants. Des rencontres d’un soir ou plus, il y en a eu. Mais son cœur n’a plus jamais vibré. J’ai beaucoup aimé cette première partie où je me suis laissé guidée avec plaisir au gré de ses anecdotes du quotidien. Elle dresse le portrait d’une femme d’âge mûr qui tire bon nombre d’enseignements de ce qui a traversé sa vie jusqu’ici. Sa relation avec ses enfants, les rencontres, sa vie professionnelle, ses nombreux voyages qui sont essentiels pour elle. J’ai entrevu le portrait d’une dame qui ose dévoiler ses faiblesses et ses regrets, tout en humour et avec pudeur. Des leçons qui peuvent servir à tout le monde sur des sujets universels. Une grande générosité transparaît également à travers ses mots. Et l’honnêteté de se décrire tel qu’elle est, sans masque, que cela plaise ou non. Il faut bien le dire, Joyce Maynard a une sacrée personnalité, extravertie et en même temps attendrissante. Une maladresse presque enfantine parfois qui accentue son côté sympathique.
C’est à ce moment qu’elle rencontre Jim, cet homme dont elle va de suite tomber amoureuse. Malgré deux personnalités différentes, l’entente entre eux deux est immédiate. Elle pose des mots extraordinaires sur ce nouvel amour qui frappe à sa porte alors qu’elle ne l’attendait plus. Elle se montre alors des plus romantiques, profitant de chaque moment avec Jim.
2 ans après leur mariage, on diagnostique à Jimmy un cancer du pancréas. Leur monde s’écroule, évidement. Cela paraît si injuste, et le lecteur ressent très fort cette émotion-là, pour ce couple qui venait de goûter à nouveau au bonheur. La seconde partie, l' »Après », se focalise sur toutes les étapes qui ont suivi les résultats : les opérations, la recherche de traitements, les nombreux entretiens avec des éminents professeurs et médecins de tout le pays, les médicaments… J’ai trouvé cette seconde partie longue et beaucoup trop détaillée. Je comprends cependant où voulait en venir Joyce Maynard en énumérant toutes ces étapes : se rendre compte, après coup, du combat acharné qui était en train de s’opérer à ce moment-là. Mais vraiment, connaître le moindre médicament que Jim devait prendre, à quelle fréquence, les moments où il dormait, ce qu’il mangeait… ne m’a pas paru nécessaire pour son lectorat.
On peut évidement critiquer le besoin de Joyce Maynard de rendre public cette épreuve si personnelle, si intime, qu’elle a du affronter. Je pense profondément qu’elle a du passer par cette étape de l’écriture pour faire en partie son deuil et pour marquer à jamais son court mariage avec Jim. Ce récit m’a permis de voir Joyce Maynard, l’une de mes auteures préférées, sous un autre jour. Elle y dévoile son rôle de femme, de maman, d’épouse, avant celui d’auteure. Ce livre traduit aussi, ne l’oublions pas, de sa volonté de rendre un hommage à l’homme qu’elle a aimé et accompagné. Ce fut un véritable partenaire, chose qu’elle n’avait jamais connu avant lui.
Raconter ce qui arrivait était devenu pour moi la façon de donner un sens à ma vie. (p.266)
Malgré les bémols évoqués, cela reste une lecture qui me marquera un bon moment. C’est un livre comme il en existe peu, finalement. Les auteurs que l’on apprécie nous paraissent parfois tellement inaccessibles. Ils passent leur temps à inventer des histoires, pour nous faire voyager, nous changer les idées le temps de quelques centaines de pages. Lorsqu’ils décident de se dévoiler à ce point, ce qui revient à une mise à nu, quelque chose s’opère entre eux et leur public. C’est ce qu’il se passe avec ce bouquin. Et en tant que grande fan de Joyce Maynard, je suis sincèrement heureuse d’avoir pu profiter de ce cadeau qu’elle nous fait à toutes et tous.
Il n’empêche, les familles ayant connu une situation similaire se retrouveront peut-être mal à l’aise avec une telle lecture. Ou au contraire, ce sera l’occasion pour elles de se retrouver à travers les mots de cette épouse comme toutes les autres, qui est en train de perdre son mari. C’est un bouquin qui donne malgré tout l’envie de profiter de la vie et de chaque moment avec nos proches.
Joyce Maynard, « Un jour, tu raconteras cette histoire », Éditions Philippe Rey, 2017, 428 pages
Merci aux éditions Philippe Rey et à Anne et Arnaud de me permettre de découvrir les mots de Joyce Maynard en avant-première!