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« Le premier qui pleure a perdu » de Sherman Alexie

Vous savez ce qui arrive aux gogols sur la réserve? On se fait tabasser. Au moins une fois par mois. Eh ouais, je fais partie du Club des Coquard du Mois…

Voici encore une excellente découverte faite grâce à Fanny!

Alors que je traversais dernièrement un petit creux niveau lecture, après le bouleversant roman de Philippe Besson, « Le premier qui pleure a perdu » (pas top le titre, mais ne vous fiez pas aux apparences!) m’a permis de passer un très bon moment.

Cette voix, c’est celle de Junior, un jeune indien de 14 ans qui vit dans une réserve spokane. Au sein de cette communauté isolée mais soudée, chacun subit sa vie, comme s’il ne pouvait échapper aux coups durs qui leur tombent dessus depuis des générations. Junior explique avec un sens de l’humour absolument fabuleux ce qui compose son quotidien dans la réserve où la pauvreté, la violence et l’alcool dominent tout le reste. Heureusement, l’ado trouve du réconfort auprès de Rowdy son meilleur ami, pour qui les coups et les insultes sont les seuls moyens de communication, sa soeur récemment partie dans le Montana pour se marier mais qui lui écrit régulièrement des lettres, et surtout, sa grand-mère qui incarne la voix de la sagesse pour l’ensemble de la réserve.

Mais ce manque total de perspectives ne lui convient pas. Alors du jour au lendemain, Junior décide de changer de lycée et part à 35 km de la réserve s’inscrire dans un établissement de blancs. Quel choc pour son entourage qui se retrouve divisé entre des sentiments de fierté, de trahison et de jalousie! Dans la foulée, il perd son meilleur ami qui n’accepte pas que Junior aille se « mélanger » à une autre communauté.

Tant de questions cognent dans sa tête: sera-t-il accepté par les autres jeunes, mais également par le corps enseignant? Comment faire face au racisme encore très présent? Quelle réaction adopter face aux regards et comportements de rejet?

Si on laisse les gens entrer un peu dans sa vie, ils peuvent se révéler bougrement surprenants. (p.163)

Pour connaître la suite de l’histoire de cet ado pas comme les autres, je vous laisse le soin de vous plonger dans ce merveilleux titre qui vous réserve bien des surprises!

Il s’agit d’un roman aux belles valeurs humaines et réconfortantes, servi par une écriture qui peut paraître ordinaire mais qui touche profondément. Elle me donne envie de découvrir ses autres textes. Sherman Alexie nous donne envie de croire en l’humain, en ses capacités d’ouverture et d’entraide. Ce sont des valeurs qui semblent chères à son cœur, car mon petit doigt me dit que cette histoire doit avoir une grande part autobiographique.

J’ai adoré suivre le parcours de ce cher Arnold, un garçon à la personnalité atypique, et à la détermination surprenante. Il m’a totalement bluffée avec sa ferme volonté de se faire une place parmi la communauté de blancs, de montrer de quoi il est capable. C’est aussi un garçon au grand cœur qui émeut lorsqu’il parle de son meilleur ami qui ne veut plus de lui, ou bien de ses parents plongés dans l’alcoolisme depuis toujours mais qui l’encouragent dans ses choix. La famille y a une place privilégiée et le narrateur lui rend régulièrement hommage.

Les pages sont ponctuées de dessins qui illustrent certaines scènes parfois totalement jubilatoires. On repère déjà un talent certain chez le jeune homme qui dessine beaucoup pour s’exprimer. Autre vecteur qui lui permettra de s’affirmer, c’est le basket.

Je dois prouver  que je suis le plus fort de tous. Je dois prouver que je n’abandonnerai jamais. Que je ne renoncerai jamais à jouer à fond. Et je ne parle pas seulement du basket. Je ne renoncerai jamais à vivre cette vie à fond, vous voyez? Je ne me soumettrai jamais à personne. Jamais, jamais, jamais. (p.228)

Derrière l’humour et une bonne dose d’autodérision qui font la grande force de ce titre, quelques points plus sombres ne plombent certainement pas l’ambiance. Ils nous ramènent plutôt à la réalité. Une réalité que connaît encore beaucoup de communautés dans le monde, celle des destins compliqués qui se répètent de génération en génération et qui ne nécessite parfois qu’une main tendue pour en sortir.

Sherman Alexie, « Le premier qui pleure a perdu », traduit de l’anglais (américain) par Valérie Le Plouhinec, Éditions Albin Michel Collection Wiz, 2008, 281 pages

« Plus de morts que de vivants » de Guillaume Guéraud

Durant la période de Halloween, j’ai eu une envie de roman qui dérange, qui remue, qui secoue. L’excellente liste effrayante de Moka est tombée à pic (d’ailleurs j’y piocherai encore de bonnes idées!)! Et j’ai succombé à ce roman jeunesse de Guillaume Guéraud. J’ai été clairement servie! Ce livre est incroyable!

La plupart ne faisaient pas un bruit quand ils mouraient. Même pas le bruit d’un insecte qu’on écrase. Seuls ceux qui avaient peur hurlaient. Mais la plupart de ceux qui mouraient n’avais pas le temps d’avoir peur. Et quand la mort leur en laissait le temps, alors la force leur manquait pour manifester leur peur en hurlant. (p.123)

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La veille des vacances de carnaval, les étudiants du Collège Rosa Parks se rendent dans leurs classes respectives comme chaque jour. La grippe et la gastro ont vaguement cloué quelques-uns au lit, chose courant pour cette période de l’année. Les jeunes échangent dans les couloirs à propos de leurs projets durant les congés, entre autres, des séjours au ski, ou encore des journées glandouille « jeux vidéo ». Mais très vite ce matin-là, dès 8h30-9h, des choses inhabituelles se passent. Personne ne s’en rend vraiment compte, trop absorbé par les cours qui commencent. Une chute de cheveux, un nez qui saigne, des boutons rouges qui apparaissent sur le bras… Quelques minutes après ces symptômes, vient l’annonce des premières victimes. Et la multiplication des personnes malades dans l’enceinte scolaire… Infection alimentaire? Virus? Que se passe-t-il dans ce collège où chaque membre semble connaître ses dernières secondes d’existence? Les services de secours, et ensuite la santé publique, se penchent sur cet étrange cas et comprendront très vite que la situation prend une tournure des plus dramatiques.

Dans cet excellent roman, le lecteur n’a que peu de temps pour s’imprégner de l’atmosphère et s’imaginer le décor, puisque les morts tombent immédiatement. Le lecteur ne reprendra son souffle qu’une fois la lecture achevée. A peine remis des victimes isolées, qu’il sera abasourdi par ce qui apparaît vite comme une  véritable hécatombe! L’expression « tomber comme des mouches » prend réellement tout son sens avec les mots de Guéraud, qui n’épargne aucun détails (il va se gêner, tiens!). Des scènes dérangeantes, écœurantes, les amateurs de gore seront servis!

Ces multiples visions d’horreur, presque irréalistes, vous scotcheront en un instant. De fait, il s’agit d’une histoire complètement addictive! Est-ce un mauvais rêve? Je l’ai pensé une seconde. Mais pas Guillaume Guéraud, qui présente ici une faucheuse des plus terribles, qui attrape tout le monde sur son passage.

Tous assomés-déboussolés-bouleversés. Sous le choc. Ils n’avaient encore jamais vu la mort frapper aussi violemment. (p.70)

Inutile d’en dire plus sur le fond, c’est une histoire à découvrir au fil des pages, pour un effet de surprise maximal. Pour les petits coeurs, passez votre chemin. Quand on ouvre ce livre, on n’en sort pas indemne!

Un auteur que je vais clairement suivre!

Guillaume Guéraud, « Plus de morts que de vivants », Editions du Rouergue, Doado noir, 2015, 251 pages.