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« La lionne : un portrait de Karen Blixen » d’Anne-Caroline Pandolfo & Terkel Risbjerg

J’ai découvert le parcours de la baronne Blixen avec le très beau roman de Nathalie Skowronek, il y a déjà un petit moment. Ce fut une révélation et un coup de coeur. Le parcours de cette femme de lettres danoise m’avait totalement passionnée. J’avais particulièrement admiré le courage qu’elle a eu très jeune de ne pas suivre le chemin tout tracé auquel elle était inévitablement prédestinée. Comme dans toutes familles aristocratiques, les femmes n’ont en effet pas beaucoup de place pour l’audace.

Karen Blixen née Dinesen, et gentiment surnommé Tanna, en a toujours fait qu’à sa tête, ce qui lui a valu très tôt l’image de fille rebelle et sauvage. Au fond d’elle, Karen rêve depuis toujours de vivre de l’art, de laisser s’exprimer sa créativité, par tous les moyens qui se présenteront à elle, que ce soit par la peinture ou l’écriture.

C’est cette envie de se démarquer de sa famille et de vivre de ses passions qui est merveilleusement mise en avant dans cet album qui retrace la vie de cette grande dame. Pandolfo et Risbjerg se sont particulièrement attardés sur les « anges » de Karen qui, dès sa naissance, se sont penchés au-dessus de son berceau pour lui offrir les qualités nécessaires pour réaliser de grandes choses. Je les ai d’ailleurs plutôt vus comme des guides ou encore des « forces intérieures » qui l’ont à chaque fois aiguillée tout au long de son parcours semé d’embûches. De ce fait, j’ai trouvé cette bande dessinée plus introspective et c’est ce qui fait sa force. J’ai trouvé cet angle très intéressant et original.

Les deux auteurs mettent également en valeur la jolie complicité qui unit Tanna à son papa, qui se suicide alors qu’elle n’a que 8 ans. Son papa, son modèle, lui a transmis la curiosité et la fièvre des voyages, de la liberté. Il ne restait au château de Rungstedlund que quelques jours et repartait aussi vite pour de nouvelles escapades.

Je ne referai par le portrait de cette grande dame dans ce billet, car c’est un réel plaisir de le parcourir à travers cet ouvrage illustré. De magnifiques pages faites de pastel et de traits fins et délicats qui montrent à merveille ce destin atypique. J’ai aimé le découpage en 3 grandes parties liées aux dates charnières de la vie de Karen Blixen. J’ai aimé la poésie qui se dégage des pages, née du doux mélange entre les textes et les aquarelles.

Un voyage entre le Danemark et l’Afrique, le pays qui lui a offert la sérénité et le bonheur absolu de la rencontre avec l’ailleurs et l’autre. Là où est née une seconde fois la passionnante « lionne ».

Anne-Caroline Pandolfo (auteure) & Terkel Risbjerg (illustrateur), « La lionne : un portrait de Karen Blixen », Éditions Sarbacane, 2015, 195 pages

 

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Cette semaine chez Moka!

« Un soir de décembre » de Delphine de Vigan

Ma première lecture de Delphine de Vigan!

Il était temps que je rencontre cette auteure dont tout le monde parle! Et puis, j’ai quand même 3 de ses romans sur mes étagères, l’occasion était là! C’est donc avec son second roman que je découvre cette plume…

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Mathieu, la quarantaine, marié, deux enfants, est rédacteur dans une agence, un boulot sans grandes responsabilités et qui ne l’épanouit pas plus que ça. Un jour, alors qu’il n’avait jamais rien écrit d’autres que des annonces pour son boulot, il se lance, seul, tête baissée, sur une feuille blanche. Son premier roman est un véritable succès, qui lui vaut de nombreux passages dans les médias, des invitations à des événements littéraires, des rencontres et des fans. Les lettres reçues sont nombreuses, il n’y prête que peu d’attention, mais il met un point d’honneur à les lire. L’une d’elles lui fait l’effet d’un électrochoc, bref retour en arrière, des descriptions qu’il connaît, un style à fleur de peau. Il connaît la femme qui vient de lui écrire, mais avait tout fait pour l’oublier. Elle l’a retrouvé, grâce à ce succès naissant. Il s’agit de Sarah, une fille de 15 ans sa cadette, avec qui il a entretenu une relation passionnelle il y a 10 ans. Cette réapparition va le bouleverser au plus haut point.

Ce roman est vraiment intéressant car il aborde deux sujets qui sont ici mis en parallèle : la posture de l’écrivain, sa difficulté à vivre avec les autres alors qu’il se sent seul dans sa bulle, totalement hermétique au monde extérieur, une attitude bien douloureuse pour son entourage d’ailleurs ; et le désir, la passion, si difficile à maîtriser lorsque la vie vous a fait prendre d’autres décisions.

Pour faire cohabiter ces deux thèmes, Delphine de Vigan va enfermer Mathieu, son personne principal, dans une espèce de dépression très violente, où l’écriture est son échappatoire et le seul moyen de tenter de lutter contre ce désir pour Sarah qui resurgit si fortement. Car en 10 ans, il a fondé une famille, et même si les femmes ont toujours été très importantes à ses yeux, il aime sa femme Elise. Mais les souvenirs reviennent, de manière si précise : ce sont des gestes, des paroles, des odeurs, des moments très intimes. Comment ne pas dérouter? Telle est toute la question de ce roman!

Les passages sur l’inspiration de l’écrivain, cette espèce d’hystérie qui s’empare de lui, nuit et jour, sont très bien évoqués et sont assez intéressants. Il devient alors spectateur de sa vie, ne prenant plus goût à rien. Ce qui se transforme finalement en obsession, grignote petit à petit sa vie et tout ce qu’il a construit jusqu’alors.

Il s’échappe de ces passages tout un tas d’émotions, positives et négatives qui m’ont plongée, du coup, dans une bulle, avec une ambiance limite oppressante. Je pense que c’est cette atmosphère que je retiendrai de cette lecture, qui est particulièrement bien rendue.

Un soir d’hiver, il avait sorti d’un tiroir un cahier à spirale et l’avait posé devant lui, comme on décide de vider un placard ou de trier de vieux vêtements. (p.27)

L’évocation du désir est également merveilleuse, pleine de sensualité. Delphine de Vigan parle de l’intime, du caché, sans barrières, avec la pointe de violence qui est à la frontière de toute passion.

Ce n’est pas très joyeux, car dans toutes situations similaires, il y a des blessés. Mais c’est un très beau roman qui vous traverse, grâce à toutes ces d’émotions contradictoires omniprésentes dans le livre.

Delphine de Vigan, « Un soir de décembre », Editions JC Lattès, 2005 (Pocket, 2007), 195 pages