Yôko Ogawa a signé ce recueil de nouvelles sous le signe de la poésie une fois encore, ce qui semble être sa marque de fabrique. Entre fantaisie et réalité, suggéré et présenté, elle nous emmène dans un monde presque enfantin où il est bon de se blottir. Je m’y suis installée confortablement parmi ces 7 histoires composant « La mer » et me suis laissée bercer par la mélodie Ogawa, une musique délicate et enivrante.
Les rencontres sont mises à l’honneur, celles qui arrivent sur le chemin sans crier gare et qui permettent à l’un ou l’autre des protagonistes de remettre en question sa façon de voir habituellement les choses. La magie issue de ces rencontres prend pour eux, comme pour le lecteur. Comme dans « L’annulaire », son imagination est parfois sollicitée. Elle lui permettra d’entrer dans un univers enchanteur et de ressentir au mieux l’attrait de cette rencontre, qui se passe bien souvent entre des personnages au cœur tendre.
Il s’agira de vivre passionnément ce timide échange entre futurs beaux-frères à propos de l’invention par l’un d’eux d’un instrument de musique unique au monde fait à partir d’une vessie de baleine, dont le son a le don d’emmener loin, très loin (« La mer ») ; l’amitié naissante entre un homme se situant en marge d’une société parmi laquelle il ne se retrouve plus et la petite-fille de sa propriétaire, âgée de 6 ans, muette depuis la mort de ses parents (« Le camion de poussins ») ; ou encore le défi lancé entre deux vieilles dames profitant d’un city-trip à Vienne pour retrouver un ancien amant perdu de vue depuis 30 ans (« Voyage à Vienne »).
Un souvenir qui n’a pas de titre s’oublie facilement. » (p.134)
Dès les premiers mots, Ogawa introduit un contexte, présente des personnages attendrissants et capte l’attention de son lecteur grâce à un enchaînement de mots tout en harmonie et un suspens qui ne s’essouffle pas. Les éléments sont dévoilés au fil des pages, semant la poésie au compte-goutte, qui caractérise si bien sa plume.
Les nouvelles sont variées, tant au niveau du fond que de la forme. On passe d’histoires plus longues de quelques 20 pages, à de très courts moments narrés sur 1 page seulement. Et l’impact n’en est pas moindre!
L’invitation au voyage est réussie, avec les scènes se déroulant aussi bien dans la capitale autrichienne que dans un bureau de dactylographie ou encore à bord d’un bâteau-mouche.
C’est un recueil qui m’a emportée, plus encore que son roman lu dernièrement, pour cette petite pointe de naïveté et de tendresse. Je n’en ai pas terminé avec cette auteure!
Participation au mois de la nouvelle de Flo.
Yôko Ogawa, « La mer », Editions Actes Sud, 2009, (Babel, 2013), 149 pages.