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« Dans la forêt de Hokkaido » de Eric Pessan

Ce roman assez récent, je l’ai aperçu chez Noukette et Jérôme, qui en avaient fait une pépite. Il me tentait beaucoup pour son histoire qui semblait mystérieuse, un peu surnaturelle. Et puis c’était l’occasion de découvrir pour la première fois l’univers d’Eric Pessan, un auteur connu et apprécié en littérature jeunesse.

A 15 ans, Julie est une jeune fille sérieuse, bonne élève, vivant dans une famille soudée et aimante. Sa particularité? Elle possède un don qu’elle a eu du mal, dans un premier temps, à apprivoiser, mais qui lui permet aujourd’hui de bien mieux comprendre les humains. Elle ressent au plus profond d’elle-même les émotions des gens. Assez déstabilisant donc, il fait néanmoins d’elle, une personne très empathique. Un jour, elle se réveille totalement en sursaut, prise d’une fièvre soudaine, vraiment perturbée du rêve qu’elle vient de faire. Celui d’un petit garçon laissé à l’abandon par sa famille à l’orée d’une forêt. Julie a ressenti d’emblée la peur de l’enfant, la tristesse de l’abandon, la désorientation, et puis ensuite le besoin ultime de trouver de l’eau et des vivres. Les jours passent et la fièvre de Julie est tenace, elle se sent de plus en plus affaiblie… Elle pense alors à faire une recherche sur Internet et découvre ainsi la vérité : son rêve est en réalité un fait qui est réellement en train de se produire au Japon, où un petit garçon est recherché depuis plusieurs jours dans la forêt de Hokkaido.

Quel est le sens de son rêve? Julie a t-elle un lien avec ce jeune garçon perdu? Une chose est certaine : elle est la seule à le pouvoir de le sortir de là, mais comment intervenir et se faire comprendre?

C’est une histoire, basée sur un fait divers qui s’est réellement produit, qui soulève pas mal de questions sur la télépathie, les rêves prémonitoires, les messages que les rêves nous délivrent.

A travers son personnage de Julie qui ressent fortement les émotions d’autrui, l’auteur aborde les limites de l’empathie. Julie, tout comme son papa, ont cette volonté de vouloir aider tout le monde, d’être fortement attristés du sort des autres, quitte à mettre leur propre personne de côté. C’est salutaire, bien sûr, mais ce roman raconte finalement l’incapacité que l’on a, à sauver tout le monde.

Hormis ces sujets fort intéressants, j’ai beaucoup apprécié le suspens de cette histoire, que l’auteur arrive à lâcher au fur et à mesure de façon très juste, de sorte à vraiment accrocher son lecteur, tout en lui offrant des clefs de compréhension régulièrement. Et puis, le risque avec une telle histoire sur les rêves, est de tomber sur un dénouement trop irréaliste. Il n’en est rien ici, tout se tient, tout est cohérent. Eric Pessan plante une ambiance très réussie, mystérieuse, basée sur les bruits de la nature. L’occasion de titiller nos sens, et de continuer à pas feutrés la lecture.

Après cette lecture, on en vient nous-mêmes à nous interroger sur la portée de nos rêves et de croire qu’ils peuvent finalement nous guider, nous orienter.

Eric Pessan, « Dans la forêt de Hokkaido », Editions L’école des loisirs, collection Médium, 2017,144 pages

« Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire » de Gilles Abier

Où se situe la frontière entre l’imaginaire et la réalité ? Est-ce qu’un jour, le premier peut s’immiscer dans le second? Et si on était le seul à s’en apercevoir?

Élias est un petit gars de 13 ans, mais il en paraît facilement 3-4 ans de moins. Avec son physique frêle et son teint blafard, on n’a qu’une envie : le surprotéger. Surtout sa maman, qui est tout le temps sur son dos, et s’inquiète pour un rien à son sujet. Mais Élias vit sa vie tranquille, entre l’école et ses deux meilleurs amis, Milo et Mathilde. Entre eux trois, c’est l’amitié, la vraie, qui règne. Ils sont solidaires, à l’écoute, aux petits soins l’un pour l’autre.

Depuis son plus jeune âge, Élias rêve jour et nuit, s’imagine atteindre tous les exploits du monde, s’invente des aventures extraordinaires. Pour en garder une trace, il les dessine dans un carnet qui ne le quitte jamais.

Un jour, tout à fait par hasard, Élias a le sentiment de pouvoir s’élever dans les airs, et se balader au-dessus des gens, à sa guise. Le lendemain, il remarque le début d’une transformation physique, les pieds, le nez, le visage, mais aussi, ressent des choses différentes : il est en train de devenir un corbeau. Mais lui seul s’aperçoit du changement, ça lui semble si réel pourtant… Quel mystère!

Mon cul, que c’est le café! C’est ce chat qui m’a effrayé. J’ai cru mourir sur place. Voilà pourquoi je refusais d’entrer dans la cuisine. C’est à cause de lui. De sa présence. Du danger qu’il représente. Élias, calme-toi! Ton imagination part en vrille. Non, ta crainte du chat n’a rien à voir avec les deux fois où tu as volé dans les airs. Quelle serait la relation, d’ailleurs? Arrête de psychoter. Tu n’es pas en train de devenir un oiseau!

J’ai dévoré ce roman qui me permet de découvrir tout le talent de Gilles Abier! A chaque chapitre, il arrive quelque chose à Élias, que ce soit une brèche avec un camarade de classe, un moment de complicité avec ses amis, les détails de sa transformation, … je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. Sans en dévoiler une seule miette car cette histoire est surprenante, la fin m’a laissée stoïque et remet tout en perspective. C’est très finement mené, c’est intelligent, rigolo, mais on se rend bien compte aussi que ce qui arrive au jeune héros n’est pas « normal ». On a envie d’avoir le fin mot de cette histoire invraisemblable!

Hormis son côté doux-rêveur, j’ai adoré le grand sens de l’humour et la répartie d’Élias. Il possède une personnalité réellement attachante, on a envie de le serrer très fort dans nos bras.

Par ailleurs, j’ai trouvé la narration parfaite avec l’emploi du « je ». Gilles Abier est un grand conteur! Il manie le suspens et le déroulement des faits avec habilité et cohérence. J’ai vraiment été embarquée dans ce récit dès les premières pages,  je l’ai trouvé original avec un petit côté attendrissant grâce aux personnages.

Une belle petite claque qui me donne très envie de lire d’autres titres du même auteur! Que me conseilleriez-vous??

Gilles Abier, « Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire », Éditions La Joie de lire, Collection Encrage, 2016, 156 pages