Je t’écris tout cela sans la moindre intention d’organiser ma pensée, au fil de la plume. J’écris ce qui me vient à l’esprit, sans respecter de logique, sans plus poursuivre un but.C’est ainsi : cette lettre est le produit d’un moment, celui strict de l’écriture, et le reflet de mes jours, que je n’ordonne pas. (p.66-67)
Pour tenter d’oublier son ancien amant qui l’a quittée, Louise s’exile à l’autre bout du monde, là où rien ne lui rappellera son histoire. A Cuba pourtant, elle ne peut s’empêcher de se ressasser les événements qui ont marqué cette relation, qui était, avouons-le, chaotique dès le départ. Il s’agissait en réalité d’une relation extraconjugale, et Clément a décidé de rester avec sa compagne « officielle ».
Elle décide alors d’écrire à cet homme, de longues lettres. A travers celles-ci, le lecteur découvre le fil de leur histoire : la rencontre, les émois, mais également les doutes et premiers signes de leur incompatibilité.
En dehors de ces souvenirs, elle y couche ses pensées quotidiennes, le déroulement de ses journées à l’étranger, ce qu’elle y trouve pour tenter de se ressourcer, et d’oublier son amour. Après Cuba, parce qu’il est encore trop tôt pour retourner à Paris, elle séjournera à New-York, Venise, et retournera au pays en faisant l’expérience de l’Orient-Express. Journaliste de métier, la jeune femme peut se permettre ces voyages puisqu’elle continue d’envoyer ses papiers à son employeur. Rien ne la retient sur ses anciennes terres, mais trouvera-t-elle l’apaisement tant attendu, ailleurs?
A travers ce monologue, aucune action ne permet de donner du relief ou du rythme à l’histoire. Et pourtant, le lecteur se laissera embarquer volontiers par les écrits mélancoliques de cette dame qui n’arrive pas à passer outre son histoire d’amour.
Ce sont les détails qui me crèvent plus le cœur, ce sont les choses de presque rien, qui se produisent sans que je les prévoie, surviennent sans prévenir, surgissent de mon quotidien, qui me mettent par terre. (p.28)
En décidant de tout plaquer et de partir vivre ailleurs, elle tente de se retrouver elle et de redonner un sens à sa vie. En tant que femme, Louise a aussi besoin de retrouver ses repères, d’envisager un avenir différent de ce qu’elle espérait, de revoir ses projets. Avec cette rupture, malgré tout assez brutale, puisqu’elle n’a plus aucun signe de Clément depuis cette décision, elle a grand besoin de retrouver confiance en elle. Et pourtant, loin de tout et surtout de lui, que décide-t-elle de faire? De lui écrire, et de ne parler que de lui et de leur histoire. Bien sûr, ça lui permet aussi de mettre noir sur blanc l’analyse de cet échec, vu qu’elle n’a plus personne à qui parler, mais est-ce vraiment la bonne solution d’écrire d’aussi longues lettres pour l’être encore aimé?
J’ai en effet eu un peu de mal à comprendre cette démarche, puisque la décision de Louise est clairement d’oublier cet homme. Néanmoins, les mots qu’elle trouve pour parler de leur amour passé évoluent au fil des mois et des voyages. Elle devient plus sûre d’elle, réenvisage un avenir sans lui, imagine se trouver un nouvel amoureux… Au final, j’ai constaté que ces lettres prenaient des allures de défouloir. Elles lui permettent d’extérioriser ses sentiments, et prendre du recul plus facilement. L’écriture est vue comme un moyen de guérison, en somme.
Je n’ai pas été ultra impressionnée par cette femme qui est assez banale. Elle ne le nie pas et se décrit comme tel dans ses missives. D’ailleurs, elle se demande si ce n’est pas sa personnalité trop linéaire, calme, sans trop de panache, qui a eu raison de son couple. Néanmoins, c’est une lecture qui est passée vite, qui m’a fait voyager. Philippe Besson a l’habitude de nous inviter dans ces lieux bien loin de notre environnement habituel pour une invitation au dépaysement. J’en au fait l’expérience avec Lisbonne (« Les passants de Lisbonne ») et Los Angeles (« Un homme accidentel »).
Et puis dans ce roman, on retrouve le Besson que l’on a toujours connu, là où il est le plus fort : dans l’analyse des émotions, des relations amoureuses, et des rapports humains. Une nouvelle fois, ce qu’il écrit sonne juste et nous parle.
Oui, cette Louise m’a touchée, sans pour autant m’émouvoir. J’ai sincèrement eu envie qu’elle s’en sorte, qu’elle s’échappe de ces vieux fantômes, plus forte, plus sûre d’elle, tout en ayant l’espoir de refaire sa vie un jour, peut-être aux côtés d’un autre homme.
Philippe Besson, « Se résoudre aux adieux », Éditions Julliard, 2007, 188 pages