« Buvard » de Julia Kerninon

Voilà plus d’un mois que j’ai terminé ce roman (merci le mois belge 🙂 ), et en m’y replongeant pour écrire cette chronique, je retrouve déjà la fébrilité qui m’habitait à chaque instant de lecture.

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Les intellectuels me reprochent de ne pas faire dans la dentelle, mais tu vois : je fais de la littérature et la dentelle, je la porte. » (p.78)

Lorsque Lou, jeune étudiant dans la vingtaine, demande à rencontrer la charismatique écrivain à succès Caroline N. Spacek pour une interview, il est loin de s’imaginer qu’il restera à ses côtés tout un été, à l’écouter revenir sur son parcours. En la voyant pour la première fois, dans sa maison de campagne anglaise, il ne sait rien d’elle, si ce n’est l’ensemble de son œuvre qu’il a lu d’une traite. Tant de mystère entoure cette femme qui n’a jamais été douce avec les journalistes. Et pourtant, on ne peut qu’en être admiratif : premier recueil de nouvelles publié à seulement 19 ans, ses nombreux autres écrits parus presque annuellement sont tous couronnés de succès. Après tant d’années dans le silence, c’est ce jeune garçon timide qui lui déliera la langue, à coup de lourds secrets, de révélations fracassantes, de regrets et de nostalgie.

Ce premier roman est un bijou. Dès le moment où Lou enclenche son dictaphone pour récolter les mots de Caroline, on ne peut décrocher. C’est sans retenue qu’elle part de son enfance délabrée, qui ne la prédestinait aucunement à une carrière littéraire, pour ensuite faire le tour des événements qui l’ont amenée à accoucher de son œuvre. C’est puissant, percutant, déroutant.

Les courts chapitres permettent de marquer une pause, mais de très courte durée car les rebondissements sont présents à chaque page. L’alternance de narration, passant de Lou à Caroline, permet d’investir dans la profondeur de leurs existences. Cette interview à cœur ouvert, ne pouvait se passer l’un sans l’autre.

« Buvard » parle d’amour, de la mort, de la vie, et beaucoup de la posture d’écrivain. Il nous montre une facette moins attrayante, celle de l’isolement pour celui qui ne peut s’empêcher d’écrire, jusqu’à se sacrifier lui et son entourage.

« L’amour est quelque chose qui se produit hors de notre portée, et tout ce qu’on peut espérer au fond c’est la réciprocité. » (p.54).

« La violence n’est pas la solution, mais c’est déjà une bonne base. » (p.38).

Caroline hypnotise son hôte et le lecteur. Par des mots fracassants, comme l’ont été les épisodes de sa vie.

Toutes ces raisons, et bien d’autres encore, font de ce roman un réel coup de cœur.

Les avis enthousiastes de Charlotte, Clara, Cunéipage,

Julia Kerninon, « Buvard », Edition La Brune au Rouergue, 2014, 200 pages.

17 réflexions au sujet de « « Buvard » de Julia Kerninon »

  1. Mina

    Tu confirmes la tentation avec ce bel article. 🙂 En te lisant, j’ai repensé au Treizième conte, que j’avais beaucoup apprécié, et ai l’impression que ce roman-ci conviendrait bien à mes attentes littéraires actuelles, en abordant la question de l’écriture de façon plus approfondie.

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    1. Laeti Auteur de l’article

      As-tu écouté l’interview de l’auteure dans Livrés à domicile? Elle y est passée il y a peu! J’espère que tu auras l’occasion de le trouver ailleurs, c’est une merveille.

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  2. sous les galets

    j’ai le sentiment qu’il fait l’unanimité ce roman, je l’ai donc noté (en plus quand ça parle de romancier et de romans, généralement je suis plutôt bon public)

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  3. Ping : Ce que j’ai aimé en 2014 | Mes bulles d'air...

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