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« Adrienne ne m’a pas écrit » de Michelle Fourez

Ils se sont rencontrés il y a quelques années lors d’un concert de piano que donnait Friedrich à Berne. Avec Adrienne, ils se sont rencontrés cette unique fois, et se sont par la suite écrit durant 3 ans. Au fil de la correspondance, les liens se sont tissés, les confidences se sont fait nombreuses. Notamment, sur leur parcours, leur mariage, leur vie de famille. Ils ont en commun plusieurs tragédies, dont le décès de son fils pour Friedrich. Adrienne a quant à elle perdu son mari d’une crise cardiaque foudroyante. Profondément touchés par ces deux drames, ils se réconfortent à travers les mots et la douce mélodie qui s’échappe des courriels. Leur passion commune pour la musique classique est un véritable socle à leur relation.

Alors que Friedrich prépare un nouveau concert pour Bruxelles, la ville où habite Adrienne, il espère une nouvelle rencontre après 3 ans de correspondance. Au lieu de cela, la femme prend la fuite et part se ressourcer à Boulogne-sur-mer. Les mots échangés et les nombreuses questions relatives à cette étrange relation aux sentiments naissants, se font de plus en plus pesants. Doit-elle continuer ? Doit-elle le rencontrer? Doit-elle laisser exprimer ce nouvel amour?

Ce roman est très court et se lit à une vitesse folle mais l’histoire entre ces deux-là est d’une intensité folle! Beaucoup de sentiments traversent leurs échanges. On comprend que c’est loin d’être dans leurs habitudes de se mettre à nu, et pourtant tout cela semble si naturel lorsqu’ils s’écrivent. J’ai ressenti beaucoup plus de tendresse pour Adrienne, cette femme d’âge mûr qui est seule depuis le décès de son mari et de départ de son fils pour Boston. Elle jouit de cette liberté nouvelle et retrouvée, et se complait dans sa solitude. Ce petit voyage au bord de la mer est un échappatoire, mais aussi l’occasion de faire le point sur sa vie et ses envies futures.

A contrario, on sent Friedrich plus égocentrique, partageant énormément sur son métier, ses voyages, la pression des concerts… Il n’est pas non plus des plus tendres, sur papier, envers son épouse Lisbeth, pour qui il ressent un réel désamour. Mais lorsqu’il s’adresse à Adrienne, particulièrement durant le silence de celle-ci, on ressent un profond attachement qui dépasse amplement l’amitié ou l’amour platonique des courriers.

On se prend donc très facilement à ce petit jeu complice qui connait un basculement au départ d’Adrienne. La plume de Michelle Fourez est d’une telle douceur. Et c’est très joliment écrit. Une petite parenthèse délicate qui fait du bien!

C’est un coup de coeur pour Anne.

De la même auteure, j’avais beaucoup aimé Une famille.

Michelle Fourez, « Adrienne ne m’a pas écrit », Editions Luce Wilquin, 2015, 96 pages

Une lecture inscrite au rendez-vous féminin du mois belge organisé par Anne, et ma dernière lecture de ce challenge!

 

« Les jours sucrés » de Loïc Clément & Anne Montel

A 28 ans, Églantine est contrainte de quitter pour quelques jours la ville lumière, pour la Bretagne, suite au décès de son papa. Cela fait des années qu’elle n’a plus eu de nouvelles de lui, après avoir été mise à la porte avec sa maman, mais le notaire tient à la rencontrer. Et pour cause, Églantine hérite de « Brav eo« , la boulangerie de son père, qui connaissait un très beau succès en son temps. Mais pour cette graphiste qui aime vivre à la ville, cette nouvelle est plutôt un fardeau. A Klervi donc, elle retrouve néanmoins ses souvenirs d’enfance, les personnes qu’elle a connues, comme Gaël son amoureux d’école, ou encore Marronde sa grand-tante qui travaillait avec son père à la boulangerie. Ce retour aux sources, et cette nouvelle opportunité qui s’offre à elle, lui permettront-ils d’envisager un avenir qu’elle n’aurait jamais soupçonné?

Quel bonheur cette bande dessinée! J’ai tourné chacune des pages avec envie, toujours un sourire en coin. Dès le début, j’ai été envoûtée, imprégnée de cette ambiance  cocooning. C’est vraiment un album doudou! Malgré cette triste nouvelle qu’est le décès d’Eugène, le reste de l’histoire se veut lumineuse. La bonne humeur y est contagieuse! J’ai adoré suivre cet épisode inattendu dans la vie d’Églantine, j’ai attendu avec fébrilité sa décision quant à la poursuite, ou non, de « Brav eo ». J’y ai également été témoin de son évolution personnelle. Cette jeune fille plutôt pessimiste, qui s’ouvre au fil des rencontres dans Klervi, avec Marronde, Gaël, ou encore ce notaire trop comique aux allures de Chat Botté. Même s’ils sont secondaires, ces personnages sont aussi importants que l’histoire de fond, car outre leur personnalité sympathique et bien trempée, ils ont une part très active dans le dénouement des événements.

Coup de cœur pour le scénario, mais aussi pour ces très beaux dessins colorés, qui collent parfaitement à l’ambiance bon-enfant. Mention spéciale pour les quelques petites recettes laissées ci et là, des succulentes pâtisseries d’Eugène.

Une très jolie bande dessinée, qui conviendra parfaitement tant aux enfants qu’aux adultes au cœur d’artichaut (jeu de mots pour ceux qui l’ont lu!). Attention pour les plus gourmands, la tentation est à chaque page… mais conseil d’amie, n’y succombez pas trop longtemps! En tout cas pour ma part, j’ai dégusté cet album jusqu’à la dernière miette 🙂

Loïc Clément (scénario) et Anne Montel (dessins), « Les jours sucrés », Editions Dargaud, 2016, 140 pages

 

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Cette semaine chez Mo’!

« Corps sonores » de Julie Maroh

Y’a pas une seule boîte magique dans laquelle tout le monde peut piocher son bonheur. (p.90)

C’est avec beaucoup de curiosité et d’enthousiasme que j’ai parcouru ce nouvel album de Julie Maroh paru en 2017, après mon coup de coeur pour son premier titre « Le bleu est une couleur chaude« .

« Corps sonores », c’est un condensé de vies, de chemins, de parcours. Avant tout, Julie Maroh a voulu rendre un hommage émouvant à toutes ces formes d’amour qui existent. Et je ne parle pas des couples « standards » auxquels on pense en premier lieu (tiens, tiens, on reparle de « standards » :D). Homosexuels, bisexuels, trans, androgynes, couple à trois… l’auteure met en lumière toute une série de rencontres qui sortent de l’ordinaire. Parce que ces amoureuses et ces amoureux ont, eux aussi, le droit de dévoiler leur identité et leurs différentes affections. Elle introduit d’ailleurs son ouvrage avec cette petite mise au point, et quelques mots d’une très belle chanson de Barbara. Quelle entrée en matière!

Contrairement à la BD « Le bleu est une couleur chaude », qui parlait aussi d’une relation amoureuse homo et de la quête d’identité sexuelle, le style est ici plus sombre et plus direct. Il y manquait, à mon sens et pour certaines planches, de filtres. Sans doute que ce procédé a été utilisé pour mieux marquer les esprits.  Ceci étant, il s’agit d’un bel objet avant tout, où l’uniformité est totale avec les tons gris bleutés employés pour chacune des pages. Dans ces histoires, on y pleure, on y crie, on y voit l’espoir aussi, on y trouve l’amour.

Une quinzaine de portraits s’enchaînent donc. Parfois, seules quelques pages permettent de mettre le doigt sur une blessure profonde, ou encore une rencontre qui bouleverse tout. Qu’il soit question de retrouvailles ou de ruptures, ces planches sont bouleversantes et marquantes. Je n’ai pas adhéré à l’ensemble des histoires, mais j’ai apprécié le projet dans son ensemble.

Évoquer tous ces « Corps sonores » est une juste preuve de tolérance et d’ouverture. Des expériences, mais aussi des dessins, que l’on ne croise pas à chaque coin de libriairie, et j’ai beaucoup aimé être bousculée de cette façon ! Je tiens également à souligner la finesse, même dans les dessins les plus explicites, avec laquelle Julie Maroh décrit les sentiments humains.

Julie Maroh, « Corps sonores », Éditions Glénat, 2017, 300 pages

Je rempile donc pour une nouvelle année riche en BD, aux côtés de noukette cette semaine!

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« La vie rêvée de Virginia Fly » d’Angela Huth

Je ne pense pas que je me serais retournée sur ce roman, à première vue… Mais la magie des blogs a, une nouvelle fois, opéré grâce à Sonia! Son billet, ainsi que son rappel lors de son bilan de fin d’année (et cette sublime couverture!), m’ont vraiment donné envie de faire la connaissance de cette Virginia Fly!

Il m’est assez difficile de qualifier ce roman à vrai dire. « La vie rêvée de Virginia Fly », c’est avant tout une rencontre. A première vue, la vie de cette femme de 32 ans vivant toujours chez ses parents dans une banlieue campagnarde de Londres, n’a vraiment rien de palpitant. Chaque personne qui a un jour croisé son chemin peut en témoigner :

(…) c’était une jeune femme extrêmement comme il faut, sensée et réservée, avec un regard sur les choses non dépourvu d’humour. (p.197)

Mis à part son métier de professeur de dessin, c’est le calme plat. Pas de sortie, pas d’amis. D’ailleurs, c’est peut-être à cause de ce manque cruel d’animation dans sa vie sociale, que sa maman est constamment sur son dos. Et les amours? C’est tout le nœud du problème! Virginia n’a jamais connu d’hommes… Ce qui arrange bien sa maman, évidement! Quel bonheur d’avoir une petite fille qui réserve son intimité pour le mariage. Mais pour la jeune femme, cela relève moins d’un choix, que d’avoir déjà rencontré un homme « correct ». Ceci étant, notre chère Virginia est une femme comme les autres, avec des désirs! En témoignent les fantasmes qui la font frémir à tout heure de la journée, dès qu’elle ferme les yeux.

Elle avait cette vision merveilleuse d’une main d’homme lui caressant le corps, lui causant le le long de l’épine dorsale le genre de frisson qui incitait ses doigts à fermer machinalement les trois boutons de son cardigan, et l’instant d’après elle s’entendait déclarer avec un calme admirable : « Miranda, je crois que c’est ton tour d’effacer le tableau. » (p.9)

Derrière le petit oisillon que tout le monde (sur)protège, se cache une demoiselle qui souhaite voler de ses propres ailes et écrire elle-même sa vie. Mais l’homme à la moustache qui apparaît dans ses rêves les plus torrides, viendra-t-il un jour à elle?

C’est à l’occasion du tournage d’une émission de télé ayant pour sujet l’amour autour du mariage, que Virginia espère un tournant dans sa vie amoureuse.

Quelqu’un, quelque part, serait peut-être touché par ce fameux sourire. (p.49)

Entre-temps, elle rencontrera pour la première fois Charlie, cet américain avec qui elle correspond depuis 12 ans. Il y aura aussi Ulick Brand, mis sur sa route grâce à l’intervention de Mrs Thompson, une londonienne séduite par le portrait de Virginia dans l’émission de télé.

Une affinité s’est créée avec Virginia, mais elle ne s’est pas faite immédiatement. Alors qu’elle me semblait vraiment nunuche au tout début du roman, l’héroïne présente au fur et à mesure de ses rencontres une personnalité en décalage avec l’image lisse qui lui colle inévitablement à la peau. Ce que j’ai aimé, c’est sa répartie et son humour décalé, parfois même très direct.

Dans ce roman, on parle de pression familiale, de la recherche de l’amour, de ce monument un peu inaccessible qu’est le mariage, mais aussi de sa place dans une société pas toujours très honnête. Des sujets qui sont très modernes, et pourtant, ce roman a été écrit en … 1972!

Si vous aimez le style « so british », l’humour parfois cynique et les personnages bien travaillés, je vous conseille ce très chouette roman!

Angela Huth, « La vie rêvée de Virginia Fly », traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Anouk Neuhoff, Éditions Quai Voltaire, 2017, 218 pages

« Nos âmes la nuit » de Kent Haruf

Dans un quartier paisible de la petite ville de Holt, Addie, septuagénaire, se rend chez son voisin Louis lui faire une proposition pour le moins inattendue. Ils sont tous les deux veufs depuis longtemps et leurs échanges jusque là étaient courtois mais plutôt limités. Raison pour laquelle la surprise de Louis est de taille, lorsque la dame lui demande de passer la nuit chez elle de temps en temps, juste pour briser cette solitude qui lui pèse de plus en plus.

Je parle de passer le cap des nuits. Et d’être allongés allongés au chaud sous les draps, de manière complice. D’être allongés sous les draps ensemble et que vous restiez la nuit. Le pire, ce sont les nuits. Vous ne trouvez pas? (p.11)

Elle ne demande aucun engagement, il n’y a rien de sexuel dans sa requête. Juste le plaisir de partager son lit avec une autre personne, de discuter des petits riens de la vie, de se sentir accompagné. Une complicité se crée très vite entre les deux. Ils se replongent dans les souvenirs principalement avec leur famille, leurs enfants, reviennent sur leur parcours, la rencontre avec leur époux/épouse. Ils énumèrent également leurs regrets et les tragédies qu’ils ont dû traverser.

Mais cette relation peu conventionnelle, qui concerne en plus deux personnes d’un certain âge, fait très vite parler d’elle. Addie et Louis seront chacun confrontés au regard des autres, mais ce qui les touche le plus est la désapprobation unanime et bilatérale de leurs enfants. Est-ce que cela compromettra cette nouvelle union qui les rend très heureux tous les deux?

Voici un roman que j’avais très envie de lire! J’en avais entendu beaucoup de bien, et Kent Haruf est un des très nombreux auteurs américains que j’avais envie de découvrir. J’ai été complètement séduite par le spitch de cette histoire, et surtout par l’ambiance si douce qui s’en dégage. Le roman se présente sous forme de courtes scènes qu’on saisit tels de délicats instants de vie, des petits moments remplis de tendresse qui m’ont fait succomber au charme certain de Kent Haruf.

L’écriture est d’une simplicité incontestable, mais il n’en fallait pas plus pour présenter cette jolie histoire d’amitié/amour entre Addie et Louis.

Bien sûr, j’ai beaucoup aimé le message véhiculé : passer au-dessus du « qu’en dira-t-on » et vivre simplement une aventure dont on ne sait estimer la durée, mais dont on ne perd aucune miette. C’est une histoire qui fait du bien, vraiment. Un seul élément m’a un tout petit peu chiffonnée, mais ce serait spoiler l’histoire que de le partager à travers ce billet. J’ai déjà eu l’occasion d’en discuter en aparté avec d’autres lectrices.

Un roman assez sage, mais qui remplit entièrement son rôle. Celui de nous faire passer un très beau moment, de nous déconnecter de la réalité parfois plus morose, de nous émouvoir aussi. L’ambiance calfeutrée est présente tout au long du roman, elle ne connaît aucune baisse de régime. Une régularité assez appréciable et surtout qui évite de tomber dans l’ennui. Une bien jolie découverte qui m’encourage à lire d’autres romans du même auteur.

C’est l’éternelle histoire de deux êtres qui avancent à l’aveugle et se cognent sans arrêt l’un contre l’autre en cherchant à se conformer à de vieilles idées, de vieux rêves et à des notions erronées. Sauf que je continue à dire que ce n’est pas vrai pour toi et moi. Pas à l’heure qu’il est, pas aujourd’hui. (p.124)

Kent Haruf, « Nos âmes la nuit », traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anouk Neuhoff, Éditions Robert Lafont collection Pavillons, 2016, 180 pages

« Un jour, tu raconteras cette histoire » de Joyce Maynard

L’histoire de Jim était devenue inséparable de la mienne. Quel que fût l’avenir qui nous attendait, Jim et moi le traverserions ensemble. (p.261)

Comme l’année passée à la même période, j’étais super emballée de découvrir en avant-première la nouvelle publication de Joyce Maynard. Mais cette année, ce qu’elle sort a une saveur particulière, c’est celle de l’intime. En effet, elle se dévoile à cœur ouvert dans ce récit où elle revient sur les 5 années qui viennent de s’écouler. La période où la romancière américaine rencontre Jim, l’homme qui lui a permis de redécouvrir le véritable amour. Mais aussi celle où elle le perd, emporté par un cancer du pancréas.

Je n’ai lu aucune autobiographie de Joyce Maynard, non pas par manque d’intérêt car j’aimerais beaucoup en savoir plus sur sa jeunesse et son parcours. C’est donc une première pour moi de lire l’un de ses écrits où elle est au premier plan, et surtout dans lequel elle fait part d’une épreuve tant douloureuse que personnelle.

J’avoue « Un jour, tu raconteras cette histoire » me divise. Je l’ai beaucoup aimé, mais il s’agit malgré tout d’une lecture difficile.

La première partie est consacrée finalement à sa « renaissance« . Joyce Maynard fait preuve d’un humour vraiment fin lorsqu’elle aborde ses rencontres ratées avec les hommes. Après son divorce prononcé il y a presque 20 ans, l’auteure n’a plus eu l’occasion de retrouver l’Amour avec un grand A. Elle s’est donc focalisée sur son travail, ses livres, et ses enfants. Des rencontres d’un soir ou plus, il y en a eu. Mais son cœur n’a plus jamais vibré. J’ai beaucoup aimé cette première partie où je me suis laissé guidée avec plaisir au gré de ses anecdotes du quotidien. Elle dresse le portrait d’une femme d’âge mûr qui tire bon nombre d’enseignements de ce qui a traversé sa vie jusqu’ici. Sa relation avec ses enfants, les rencontres, sa vie professionnelle, ses nombreux voyages qui sont essentiels pour elle. J’ai entrevu le portrait d’une dame qui ose dévoiler ses faiblesses et ses regrets, tout en humour et avec pudeur. Des leçons qui peuvent servir à tout le monde sur des sujets universels. Une grande générosité transparaît également à travers ses mots. Et l’honnêteté de se décrire tel qu’elle est, sans masque, que cela plaise ou non. Il faut bien le dire, Joyce Maynard a une sacrée personnalité, extravertie et en même temps attendrissante. Une maladresse presque enfantine parfois qui accentue son côté sympathique.

C’est à ce moment qu’elle rencontre Jim, cet homme dont elle va de suite tomber amoureuse. Malgré deux personnalités différentes, l’entente entre eux deux est immédiate. Elle pose des mots extraordinaires sur ce nouvel amour qui frappe à sa porte alors qu’elle ne l’attendait plus. Elle se montre alors des plus romantiques, profitant de chaque moment avec Jim.

2 ans après leur mariage, on diagnostique à Jimmy un cancer du pancréas. Leur monde s’écroule, évidement. Cela paraît si injuste, et le lecteur ressent très fort cette émotion-là, pour ce couple qui venait de goûter à nouveau au bonheur. La seconde partie, l' »Après », se focalise sur toutes les étapes qui ont suivi les résultats : les opérations, la recherche de traitements, les nombreux entretiens avec des éminents professeurs et médecins de tout le pays, les médicaments… J’ai trouvé cette seconde partie longue et beaucoup trop détaillée. Je comprends cependant où voulait en venir Joyce Maynard en énumérant toutes ces étapes : se rendre compte, après coup, du combat acharné qui était en train de s’opérer à ce moment-là. Mais vraiment, connaître le moindre médicament que Jim devait prendre, à quelle fréquence, les moments où il dormait, ce qu’il mangeait… ne m’a pas paru nécessaire pour son lectorat.

On peut évidement critiquer le besoin de Joyce Maynard de rendre public cette épreuve si personnelle, si intime, qu’elle a du affronter. Je pense profondément qu’elle a du passer par cette étape de l’écriture pour faire en partie son deuil et pour marquer à jamais son court mariage avec Jim. Ce récit m’a permis de voir Joyce Maynard, l’une de mes auteures préférées, sous un autre jour. Elle y dévoile son rôle de femme, de maman, d’épouse, avant celui d’auteure. Ce livre traduit aussi, ne l’oublions pas, de sa volonté de rendre un hommage à l’homme qu’elle a aimé et accompagné. Ce fut un véritable partenaire, chose qu’elle n’avait jamais connu avant lui.

Raconter ce qui arrivait était devenu pour moi la façon de donner un sens à ma vie. (p.266)

Malgré les bémols évoqués, cela reste une lecture qui me marquera un bon moment. C’est un livre comme il en existe peu, finalement. Les auteurs que l’on apprécie nous paraissent parfois tellement inaccessibles. Ils passent leur temps à inventer des histoires, pour nous faire voyager, nous changer les idées le temps de quelques centaines de pages. Lorsqu’ils décident de se dévoiler à ce point, ce qui revient à une mise à nu, quelque chose s’opère entre eux et leur public. C’est ce qu’il se passe avec ce bouquin. Et en tant que grande fan de Joyce Maynard, je suis sincèrement heureuse d’avoir pu profiter de ce cadeau qu’elle nous fait à toutes et tous.

Il n’empêche, les familles ayant connu une situation similaire se retrouveront peut-être mal à l’aise avec une telle lecture. Ou au contraire, ce sera l’occasion pour elles de se retrouver à travers les mots de cette épouse comme toutes les autres, qui est en train de perdre son mari. C’est un bouquin qui donne malgré tout l’envie de profiter de la vie et de chaque moment avec nos proches.

Joyce Maynard, « Un jour, tu raconteras cette histoire », Éditions Philippe Rey, 2017, 428 pages

Merci aux éditions Philippe Rey et à Anne et Arnaud de me permettre de découvrir les mots de Joyce Maynard en avant-première!

« Par amour » de Valérie Tong Cuong

Je me suis laissée tenter par ce roman après avoir vu passer de très nombreux avis, bien souvent élogieux. Valérie Tong Cuong, je l’ai découverte avec L’atelier des miracles, un titre qui m’avait plu sans plus.

C’est le sujet que l’auteure a voulu mettre en lumière qui m’a surtout donné envie : elle a choisi de parler de l’occupation allemande tout au long de la Seconde Guerre Mondiale dans la ville du Havre et des épisodes qu’ont été contraints de traverser les havrais. Dès les premiers exodes en 1940 jusqu’à la signature de l’armistice en 45, on découvre à travers la voix de 5-6 personnages tout ce qui s’est passé dans cette petite ville portuaire française. Les habitants ont non seulement du se mettre à la botte des allemands, leur laisser tout ce qui appartenait à leur vie d’avant, et obéir à leurs moindres désirs, et en même temps, assister impuissants aux bombardements sanguinolents de la part de l’armée britannique.

Deux familles se partagent ce roman choral : celle de Muguette et d’Elénie, deux sœurs à la personnalité fort différente mais dont l’amour véritable et la bienveillance ne cessent de les unir tout au long des événements. Leurs maris ont été appelés au front très rapidement. Pour leurs enfants respectifs, elles combattront la misère, la violence et la peur désormais omniprésente dans leur ville avec force, courage et persévérance.

Notre famille sombrait dans la défaite et j’étais impuissante. C’était une chose de lutter contre un ennemi, contre les circonstances, c’en était une autre de s’adapter au vide. (p.87)

Difficile de quitter ce roman, grâce notamment au grand talent de conteuse que j’ai (re)découvert chez Valérie Tong Cuong. A travers ses personnages touchants qui racontent chacun à leur tour ce qu’ils observent tout autour d’eux, on vit les événements. Elle arrive à attraper son lecteur et à l’emmener dans cette atmosphère triste, malgré le soleil régulièrement présent. Comme les héros, on ressent l’empressement d’agir vite pour sauver sa famille, l’empressement des choix qui transpercent le cœur. Les émotions sont vives, délivrées sans filtre. On passe par la tristesse, la joie, l’amour, la haine, le dégoût, l’espoir.

J’ai également le sentiment d’avoir réellement appris des choses sur cette Grande Guerre, et notamment le fait que les havrais devaient envoyer leurs enfants en Algérie pour les sauver mais surtout leur offrir un avenir meilleur.

Par amour pour une mère, par amour pour une soeur, par amour pour un enfant, par amour pour un mari, par amour pour un enfant recueilli, comment des personnes ordinaires arrivent à poser des choix qui vont au-delà de leur intérêt personnel. C’est l’amour pour l’autre qui prime, toujours.

Un roman qui vaut le détour, ne fut-ce que pour se rappeler par quoi sont passés tous ces innocents qui ont subi de plein fouet l’avidité de pouvoir de quelques personnes isolées. A lire également pour se plonger dans une histoire hautement romanesque, à ne plus pouvoir relever la tête. Et aussi pour toutes ces émotions qui vous submergent du début à la fin. Il m’a manqué la petite étincelle pour que cela soit le coup de cœur partagé par bon nombre d’entre vous, mais cela restera un très beau souvenir de lecture de mon été.

Valérie Tong Cuong, « Par amour », Éditions JC Lattès, 2017, 413 pages

« Journal d’un vampire en pyjama » de Mathias Malzieu

Il faut que je me fasse à cette idée : rien ne sera plus jamais comme avant. Me faire sauver la vie est l’aventure la plus extraordinaire que j’ai vécue.

Mathias Malzieu, je le connais évidement au travers de son groupe Dionysos. J’adore la pêche qu’il renvoie, son côté décalé lorsqu’il chante mais aussi de ses textes. J’ai également pu apercevoir son côté sensible, touchant et romantique, dans son film d’animation « Jack et la Mécanique du coeur », une adaptation de son roman du même titre. Car Mathias Malzieu est aussi un écrivain-poète, avec 7 publications à son actif (Journal d’un vampire… compris). C’est sous cette dernière facette que je n’avais pas encore eu l’occasion de le découvrir. Pourquoi avoir opté pour ce titre? Tout simplement parce que j’ai regardé à l’époque de sa sortie, ses nombreux témoignages à la télévision et son histoire m’a parlé. Il y dévoile un sujet très personnel qu’est la maladie qui la frappé dès l’hiver 2013.

Le leader de Dionysos est justement sur le point d’entamer la grosse promotion de son film « Jack et la Mécanique du coeur », ainsi que de l’album éponyme, lorsqu’il est pris de gros coups de fatigue, d’un mauvais souffle, d’un état général faible. Après quelques examens, les médecins sont déjà alarmistes : Mathias Malzieu a une infection du sang, à cause d’un dérèglement de sa moelle osseuse. C’est donc tout son système immunitaire qui est touché. Il s’agit d’une maladie rare, mais grave. La greffe de moelle osseuse est rapidement soulevée, une solution qui s’avérera infructueuse car ils ne trouveront pas de moelle compatible. Que lui reste-t-il à faire? Tout d’abord, de très nombreuses transfusions de sang, d’où sa métamorphose symbolique en vampire. Et des mois et des mois en chambre stérile, pour éviter tout virus et autres contaminations, durant son lourd traitement.

A partir de ces nouvelles peu réjouissantes, le chanteur et sa famille seront plus soudés que jamais et prêts à combattre cette maladie. Avec le décès de la maman quelques temps plus tôt, la peur est évidement très présente. Mais le moral y est, surtout pour Mathias et son amoureuse Rosy. A laquelle il rend d’ailleurs un superbe hommage tout au long de son roman, pour son soutien, l’amour qu’elle lui porte quoi qu’il en soit, et surtout la patience dont elle fait preuve.

Évidement, on connaît la fin (heureuse) mais les doutes sont nombreux vu le nombre de traitements qui échouent et les interrogations des professionnels de la santé, face à cette maladie rare. Par rapport à eux aussi, l’auteur les remercie chaudement au fil des chapitres, et il est vrai que l’accompagnement dont il a bénéficié ne fait aucun doute sur le professionnalisme, la gentillesse et le soutien des équipes médicales.

Ce que j’ai surtout apprécié dans ce texte, c’est qu’il est semé d’une multitude de doux moments et de clins d’oeil attendrissants. Étonnant vu le sujet, mais justement Mathias Malzieu s’est doté d’un incroyable courage et a décidé d’appréhender cette épreuve avec beaucoup d’humour, d’inventivité (un de ses traits de caractère qui m’a le plus bluffée) et toujours toujours de l’espoir. Bien sûr, il traversera de gros moments de doute, son état empire gravement par périodes. Cette peur, il l’a représentera au moyen d’une jolie nymphe appelée Dame Oclès. Elle représente la mort, qu’il combattra régulièrement d’un point de vue imaginaire évidement.

J’ai découvert une nouvelle facette du chanteur, celle d’une personne positive, lumineuse, extrêmement reconnaissante, terriblement créative. Pendant ses hospitalisations, jamais il ne cessera de penser à la musique, à l’écriture, à de nouvelles créations. Il réalisera ainsi ses premiers vinyles, chez lui, dans un studio conçu au moyen d’un siège-oeuf.

Beaucoup d’amour traverse ce livre, et aussi une façon de croire en la vie et en sa petite étoile. Sa force, il la puise parmi les siens et dans ses nombreuses passions.

Mathias Malzieu parle d’une renaissance, lorsqu’il apprend qu’il est « guéri » (car malgré tout, il garde un système immunitaire trop faible pour un homme de 40 ans). Il est en effet facilement imaginable que cette mauvaise étape de sa vie l’a transformé, et qu’il l’utilisera désormais comme une force. En tout cas, ce n’est pas ça qui l’arrête puisqu’il en a sorti un roman, et un album!

Gros coup de coeur pour ce journal, donc, qui m’a happée. Je suis vraiment restée scotchée à ses mots, pour connaître la suite des événements, mais aussi pour cette ambiance joyeuse et détendue qui casse avec le décor médical lié à l’histoire. On en sort avec le sourire aux lèvres et une furieuse envie de dédramatiser nos petits tracas du quotidien, lorsque l’on pense à tout ce que peut détruire la maladie. Il m’a donné très envie de lire ses autres romans, pour justement retrouver cette petite lumière qui semble constamment briller dans ses yeux de grand enfant.

Mathias Malzieu, « Journal d’un vampire en pyjama », Éditions Albin Michel, 2016, 245 pages

« En attendant Bojangles » d’Olivier Bourdeaut

J’étais prévenue par les nombreux-ses lecteurs-trices qui ont adoré ce roman : il ne ressemble à aucun autre! Je me suis donc laissée emporter par ce rythme dansant dès les premiers mots. Sans le savoir, j’entrais dans un univers à part, foisonnant, généreux, un pur bonheur de lecture!

Dans ce court livre, se déroule le quotidien d’un couple pas comme les autres, qui se vouvoie, porte des vêtements d’une autre époque, ne s’appelle jamais par le même prénom.

C’est leur petit garçon qui nous raconte cette incroyable fête qu’est leur vie. Dans leur appartement, les invités se bousculent chaque soir et passent des nuits entières à boire, à manger et à danser. Entre ses parents, c’est l’amour fou, véritable coup de foudre qui les a frappé il y a quelques années sur un bateau. Deux âmes-sœurs, qui ont immédiatement parlé le même langage.

A la moindre occasion, ils s’enlacent et se mettent à danser sur leur chanson fétiche « Monsieur Bojangles » de Nina Simone. Elle est devenue leur hymne, les notes sont directement imprégnées dans les murs de leur appartement. Ils n’ont sans doute rien en commun avec les parents « traditionnels », mais ils transmettent une réelle joie de vivre autour d’eux.

Mon côté très terre à terre s’est un peu méfié de cette première partie totalement hors du temps. Elle m’a beaucoup amusée car l’écriture permet de bien visualiser les scènes. J’entendais la musique à travers les pages, je ressentais la bonne humeur qui s’en échappait, et les fous rires. Un véritable vent de fraîcheur! Et puis, je savais au fond qu’Olivier Bourdeaut avait autre chose à raconter, et j’étais pressée de le découvrir. Chose qui arrive assez vite finalement, au premier signe d’énervement de la part de la maman, lors de la visite impromptue d’un contrôleur fiscal. On sent que sa réaction est un peu excessive. Les premiers signes de la maladie apparaissent au lecteur.

Le problème avec le nouvel état de Maman, c’est qu’il n’avait pas d’agenda, pas d’heure fixe, il ne prenait pas rendez-vous, il débarquait comme ça, comme un goujat. (p.74-75)

Un second narrateur s’intercale de temps en temps, entre les propos du fils, c’est le papa. Il partage quelques passages de son journal intime dédié à sa femme tant aimée. On sent que ces annotations lui permettent surtout de prendre un peu de recul par rapport aux situations parfois très abracadabrantes, voire dangereuses, qu’il traverse avec sa famille.

Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie, il était venu se nicher dans chaque recoin, il occupait tout le cadran de l’horloge, y dévorant chaque instant. Cette folie, je l’avais accueillie les bras ouverts, puis je les avais refermés pour la serrer fort et m’en imprégner, mais je craignais qu’une telle folie douce ne soit éternelle. Pour elle, le réel n’existait pas. (p. 65)

Quelle réussite! L’auteur aborde un sujet finalement bien triste, qu’est la maladie mentale, mais jamais il ne plombe l’ambiance de son roman. C’est un texte lumineux, joyeux, qui donne envie de danser, de chanter, de crier, de vivre sa vie sans se soucier du regard des autres. Il est aussi très émouvant car l’amour, le véritable amour, est omniprésent. On ne peut que s’attendrir de ce petit garçon qui est rempli d’admiration pour ses parents. Ils sont extravagants, certes, mais il ne lui manque de rien, il est aimé, choyé, et c’est ça le principal. Par ailleurs, j’ai eu le cœur littéralement retourné face à cette mère qui se bat contre ses propres démons, et parallèlement, veut protéger coûte que coûte les deux hommes de sa vie. Car les personnages imaginés par Olivier Bourdeaut sont des plus attachants et éminemment solaires. On s’en détache avec beaucoup de difficultés, tant leur énergie positive prend de la place.

Le style m’a amusée aussi, grâce à cet auteur qui joue avec les codes et les expressions de la vie courante qu’il remanie à sa façon. C’est une nouvelle façon de voir les choses qui s’offre à nous, en somme. Que le narrateur soit un jeune garçon ajoutait un petit côté naïf que j’ai beaucoup aimé. D’autant plus que cette situation familiale n’est pas toujours très facile pour lui car elle n’est pas bien comprise dans notre société faite de modèles classiques et pré-conçus, comme l’école.

Je mentais à l’endroit chez moi, et à l’envers à l’école, c’était compliqué pour moi, mais plus simple pour les autres. Il n’y avait pas que le mensonge que je faisais à l’envers, mon écriture aussi était inversée. L’écrivais « comme un miroir » m’avait dit l’institutrice, même si je savais très bien que les miroirs n’écrivaient pas. (p.47)

En le terminant, ce sont des frissons qui m’ont parcourue, et les larmes n’étaient pas bien loin (ceux qui me connaissent bien savent que ça n’arrive pas souvent!). Un premier roman impressionnant, original et maîtrisé!

Olivier Bourdeaut, « En attendant Bojangles », Editions Finitude, 2016 (Folio, 2017), 172 pages

 

« Se résoudre aux adieux » de Philippe Besson

Je t’écris tout cela sans la moindre intention d’organiser ma pensée, au fil de la plume. J’écris ce qui me vient à l’esprit, sans respecter de logique, sans plus poursuivre un but.C’est ainsi : cette lettre est le produit d’un moment, celui strict de l’écriture, et le reflet de mes jours, que je n’ordonne pas. (p.66-67)

Pour tenter d’oublier son ancien amant qui l’a quittée, Louise s’exile à l’autre bout du monde, là où rien ne lui rappellera son histoire. A Cuba pourtant, elle ne peut s’empêcher de se ressasser les événements qui ont marqué cette relation, qui était, avouons-le, chaotique dès le départ. Il s’agissait en réalité d’une relation extraconjugale, et Clément a décidé de rester avec sa compagne « officielle ».

Elle décide alors d’écrire à cet homme, de longues lettres. A travers celles-ci, le lecteur découvre le fil de leur histoire : la rencontre, les émois, mais également les doutes et premiers signes de leur incompatibilité.

En dehors de ces souvenirs, elle y couche ses pensées quotidiennes, le déroulement de ses journées à l’étranger, ce qu’elle y trouve pour tenter de se ressourcer, et d’oublier son amour. Après Cuba, parce qu’il est encore trop tôt pour retourner à Paris, elle séjournera à New-York, Venise, et retournera au pays en faisant l’expérience de l’Orient-Express. Journaliste de métier, la jeune femme peut se permettre ces voyages puisqu’elle continue d’envoyer ses papiers à son employeur. Rien ne la retient sur ses anciennes terres, mais trouvera-t-elle l’apaisement tant attendu, ailleurs?

A travers ce monologue, aucune action ne permet de donner du relief ou du rythme à l’histoire. Et pourtant, le lecteur se laissera embarquer volontiers par les écrits mélancoliques de cette dame qui n’arrive pas à passer outre son histoire d’amour.

Ce sont les détails qui me crèvent plus le cœur, ce sont les choses de presque rien, qui se produisent sans que je les prévoie, surviennent sans prévenir, surgissent de mon quotidien, qui me mettent par terre. (p.28)

En décidant de tout plaquer et de partir vivre ailleurs, elle tente de se retrouver elle et de redonner un sens à sa vie. En tant que femme, Louise a aussi besoin de retrouver ses repères, d’envisager un avenir différent de ce qu’elle espérait, de revoir ses projets. Avec cette rupture, malgré tout assez brutale, puisqu’elle n’a plus aucun signe de Clément depuis cette décision, elle a grand besoin de retrouver confiance en elle. Et pourtant, loin de tout et surtout de lui, que décide-t-elle de faire? De lui écrire, et de ne parler que de lui et de leur histoire. Bien sûr, ça lui permet aussi de mettre noir sur blanc l’analyse de cet échec, vu qu’elle n’a plus personne à qui parler, mais est-ce vraiment la bonne solution d’écrire d’aussi longues lettres pour l’être encore aimé?

J’ai en effet eu un peu de mal à comprendre cette démarche, puisque la décision de Louise est clairement d’oublier cet homme. Néanmoins, les mots qu’elle trouve pour parler de leur amour passé évoluent au fil des mois et des voyages. Elle devient plus sûre d’elle, réenvisage un avenir sans lui, imagine se trouver un nouvel amoureux… Au final, j’ai constaté que ces lettres prenaient des allures de défouloir. Elles lui permettent d’extérioriser ses sentiments, et prendre du recul plus facilement. L’écriture est vue comme un moyen de guérison, en somme.

Je n’ai pas été ultra impressionnée par cette femme qui est assez banale. Elle ne le nie pas et se décrit comme tel dans ses missives. D’ailleurs, elle se demande si ce n’est pas sa personnalité trop linéaire, calme, sans trop de panache, qui a eu raison de son couple. Néanmoins, c’est une lecture qui est passée vite, qui m’a fait voyager. Philippe Besson a l’habitude de nous inviter dans ces lieux bien loin de notre environnement habituel pour une invitation au dépaysement. J’en au fait l’expérience avec Lisbonne (« Les passants de Lisbonne ») et Los Angeles (« Un homme accidentel »).

Et puis dans ce roman, on retrouve le Besson que l’on a toujours connu, là où il est le plus fort : dans l’analyse des émotions, des relations amoureuses, et des rapports humains. Une nouvelle fois, ce qu’il écrit sonne juste et nous parle.

Oui, cette Louise m’a touchée, sans pour autant m’émouvoir. J’ai sincèrement eu envie qu’elle s’en sorte, qu’elle s’échappe de ces vieux fantômes, plus forte, plus sûre d’elle, tout en ayant l’espoir de refaire sa vie un jour, peut-être aux côtés d’un autre homme.

Philippe Besson, « Se résoudre aux adieux », Éditions Julliard, 2007, 188 pages