C’est un matin comme tous les autres matins. On se lève dès les premières lumières dorées offertes par un timide soleil hivernal, à tâtons car encore tapi dans le souvenir d’une agréable nuit de sommeil. La routine recommence, avec les mêmes gestes, dans le même ordre, que la veille. Tout le monde dort encore, le calme est si apaisant. On s’installe confortablement dans le canapé et… le trou noir. La fin. Plus rien ne compte, on s’en est allé sans prévenir personne. Pas même l’être cher.
C’est ainsi qu’Alice découvre, en ce matin d’hiver, son mari Jules, mort dans le canapé de leur salon. Elle ne s’aperçoit pas immédiatement qu’il est parti, que ce n’est plus que son enveloppe extérieure qu’elle aperçoit assise, sereine, dans une position anodine. La routine matinale avait masqué les moindres doutes d’un événement pouvant la perturber.
Que ferions-nous si cela nous arrivait? Alice n’y croit pas, même s’ils en avaient déjà parlé évidement. Vu leur âge avancé. Tout a l’air si.. ordinaire et normal. Tout est pareil que les autres jours, et pourtant, son Jules a les yeux mi-clos.
Certains de ses mots brisaient le silence. D’autres se formaient dans sa bouche et restaient non dits. Quelle différence? Elle savait que Jules parvenait à la suivre. Elle marqua une pause et leva les yeux, comme si elle s’attendait à ce qu’il proteste. (P.59)
Da façon très poétique, tout en délicatesse et en retenue, l’auteure narre la dernière journée d’une vieille dame avec son défunt mari. Une journée d’aurevoir. Car, après ce départ un peu brusque, Alice décidera de ne pas prévenir son entourage immédiatement et profitera d’une dernier tête-à-tête. Elle veut garder ce moment à elle, à eux. Il n’est pas question de nostalgie dans ce très court roman, même si la tristesse se répand par bouffées saccadées au cours des pages. Surtout lorsque la réalité ressurgit tout d’un coup face à Alice.
Un moment respectueux, qui revient sur des souvenirs, des anecdotes, mais aussi des non-dits et des regrets. Car c’est toujours ce qu’il se passe lorsqu’un être cher nous quitte. Tout se bouscule et étourdit.
Pour ce dernier rendez-vous du mois belge d’Anne et Mina, j’ai été secouée par les mots et l’atmosphère en suspension que propose l’auteure flamande Diane Broeckhoven (traduite par Marie Hooghe), tout au long de cette belle journée d’hommage à Monsieur Jules.
Diane Broeckhoven, « Une journée avec Monsieur Jules », NiL éditions, 2011, 109 pages.
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Un joli souvenir de lecture, notamment avec le jeune voisin…
David, un personnage discret mais qui prend beaucoup d’importance dans l’histoire en effet 🙂
J’ai oublié de te dire : tu as fait pleine de jolies découvertes ce mois-ci !
Je suis tombée sur des pépites oui! Du coup, je vais poursuivre dans mon p’tit coin le Mois belge 🙂
hou là! Ca a l’air extrêmement triste, touchant et un peu déstabilisant, je ne sais pas si c’est ce qu’il me faut en ce moment. J’ai le coeur sec pour les romans d’amour, mais je deviens fontaine dès qu’il s’agit de vieillards…
J’avoue, les larmes n’étaient pas loin mais ce n’est pas un récit triste. Il est question de la vie, du temps passé, de l’espoir. Mais le texte est tellement réaliste, qu’il ne peut que nous parler et nous faire penser à notre tour à un être cher… Je te le conseille malgré ton petit coeur Galéa!!! C’est du bonheur!
Cette fois, je veux bien faire connaissance avec cette Alice. 😉 J’avais repéré le titre chez Anne, puis l’avais oublié. Ton article transmet bien ton émotion lors de cette lecture et me convainc qu’elle pourrait me toucher moi aussi.
Je pense en effet qu’il pourrait t’emporter!! Tu remarques la coïncidence avec mes autres lectures belges, c’est déconcertant d’ailleurs!
Le sujet est douloureux mais pas le traitement qui en est fait? … J’aimerais beaucoup le lire. Bisous :))
C’est au contraire fait avec beaucoup de délicatesse. Mais j’avoue… mes yeux étaient parfois humides!!!!
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Secouée, moi aussi, par ce roman… Touchée, coulée !
Et il est délicat, tendre, et mélancolique à le fois!
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