Avec ce titre, Joyce Maynard nous plonge dans le quotidien très ordinaire de deux jeunes soeurs, vivant en Californie du nord, non loin du célèbre Golden Gate Bridge, dans un quartier au nom absolument lumineux « La cité de la splendeur matinale ». Patty 11 ans et Rachel, la narratrice, 13 ans, sont deux sœurs fusionnelles, qui passent toutes leurs journées ensemble, se partageant leurs rêves, leurs espoirs, et dotées d’un imaginaire particulièrement débordant. Livrées à elles-même depuis le divorce de leurs parents qui les a assez ébranlées, elles passent leurs journées au pied de la montagne située derrière leur jardin. Avec une maman déprimée, qui reste enfermée dans sa chambre avec pour seuls compagnons des bouquins, et un papa fort pris professionnellement, elles passent leur temps à réécrire les vies de ces hommes et femmes vivant dans le même quartier ou à s’imaginer de folles aventures. Espiègles, et téméraires, elles apprécient inventer des scènes dignes des plus grands films policiers. A travers ces jeux, les fillettes cherchent à ressembler à leur papa, pour lequel elles vouent une admiration et un amour incommensurable, le séduisant inspecteur de police et étoile montante de la brigade locale, Anthony Torricelli. Durant l’été 1979 où les habitants de ce paisible quartier vaquent à leurs occupations, plusieurs meurtres de jeunes filles le plongeront dans la peur et la tourmente. Près de 30 ans plus tard, Rachel, devenue écrivain, revient sur cette période qui bouleversa à bien des égards la pré-ado qu’elle était, en quête d’identité et de repères.
Ce titre m’a permis de découvrir le talent de cette auteure américaine : autant dire que je suis carrément tombée sous le charme de sa plume! Une finesse qui semble si naturelle pour décrire les tourments des pré-ados. Elle explore dans ce roman bon nombre de thèmes touchant à la famille évidemment, mais aussi à la fillette en passe de devenir jeune fille. C’est avec une grande empathie, beaucoup de délicatesse et surtout une grande justesse qu’elle nous replonge dans cette période loin d’être évidente à traverser.
Elle possède également ce que je définis comme une écriture simple et un style fluide pour planter un décor, une ambiance, une situation. J’ai été littéralement happée! On entre dans un environnement qui nous semble familier et qui nous parle, nous touche surtout. Ici, c’est le portrait d’une famille dont chaque membre a été touché par le divorce. Les personnages ne sont pas tout à fait lisses, nous paraissant d’autant plus vrais. On ne peut que se mettre à la place de cette maman déprimée qui a beaucoup de mal à passer le cap de la séparation, laissant ses petites filles en pleine nature. Le père qui tente de se reconstruire dans une autre histoire d’amour, tout en gardant intact cette si belle relation qui l’unit à ses filles. Et puis Patty et Rachel, les deux lumières de ce roman, qui se posent quantité de questions sur la vie, l’avenir, les garçons, le sexe et qui, se sentant différentes des autres jeunes de leur âge, cherchent continuellement la petite dose de fantaisie dans un monde bien à elles.
Si je m’attendais à un rythme plus soutenu dès le début du roman, l’affaire policière étant un prétexte à la mise en évidence de ces portraits décrits, j’ai adoré la seconde et la troisième partie où la Rachel adulte prend la parole pour revenir sur les événements de 1979 et les conséquences sur sa vie.
La relation unissant les deux fillettes est évidemment la plus grande réussite de ce roman, présentée avec autant de tendresse que de sincérité par Joyce Maynard (fortement influencée par ses ados, paraît-il). Des situations qui nous renvoient à des souvenirs personnels et des questionnements que nous avons tous eus: l’obsession sexuelle, la découverte de l’autre, le changement corporel féminin…
Roman d’initiation, psychologique, brossant les thèmes de la famille, de l’adolescence, le tout, sur fond d’enquête policière. La bande-son qui est omniprésente dans ce roman, si fidèle à la période décrite, est le dernier détail pour nous imprégner totalement de l’ambiance.
Un livre terminé en apnée, avec déjà la nostalgie de l’avoir terminé. Bref, un délice!
ps: j’ai lu, la même semaine, « Long week-end » de Joyce Maynard, sur lequel je reviens très vite!
Joyce Maynard, « L’homme de la montagne » (traduit de l’anglais (américain) par Françoise Adelstain), Editions Philippe Rey 2014 (10/18, 2015), 319 pages.
Une participation, sans préméditation, au mois américain de Titine!
Les participations sans préméditation aux défis ou aux « mois de… » sont souvent les meilleures ! En tout cas, j’aime l’univers de cette auteure qui revient souvent sur l’adolescence, la sienne ou celle de ses personnages.
ça me plairait de lire également ses autobiographies!
Magnifique billet, qui rend bien justice au roman de Maynard. De tous les romans que j’ai lu d’elle jusqu’à maintenant, celui-ci est mon préféré.
Je me rappelle que tu l’avais beaucoup aimé! Le début était un peu lent, mais la suite, ouf! 🙂
Voilà de quoi me donner très très envie de lire ce roman aussi ! Tu devrais aimer Les filles de l’ouragan, c’est le premier que j’ai lu et qui m’a fait forte impression aussi.
Il me tente en effet, et je l’ai repéré à la bibliothèque! J’ai de nouveau envie de retourner dans son univers!
Très bel article ! Tu m’as donné envie de me plonger dans cette lecture 🙂
Merci 🙂 J’espère qu’elle te plaira!
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Je n’ai pas aimé « les filles de l’ouragan », mais je dois avouer que celui ci me tente malgré tout…
Ah non? Qu’est-ce qui t’a déplu? J’irai lire ton article…
« L’homme de la montagne » était le premier livre que je lisais de Joyce Maynard. Cela a été un vrai coup de cœur. Les personnages sont très attachants et en effet très vraisemblables. Un livre très prenant, une psychologie fine des relations familiales, et une belle écriture… J’ai ressenti à peu près les mêmes choses que toi.
Eh bien voilà, nous sommes tombées toutes les deux sous le charme 🙂
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Je viens de lire tes deux articles, tu sembles avoir préféré Long weekend, ou je me trompe ? Je serais plus tentée par celui-ci à l’occasion, avec ces jeunes filles et ce regard en arrière. Tu plantes bien l’ambiance de ces deux romans en tout cas, j’ai vraiment l’impression d’avoir pu m’en faire une idée.
Je m’attendais à cette question et ne suis pas étonnée que ce soit toi qui me la poses 🙂 Même si les thèmes se rejoignent, ainsi que la narration avec des personnages principaux semblables, le rythme et l’ambiance sont différents. Je n’ai pas plus aimé Long week-end, mais le fait de rentrer plus rapidement dans le sujet et l’action m’ont captivée davantage. L’homme de la montagne est plus introspectif, plus lent, mais plus profond, et c’est pour tout ça que je l’ai aussi adoré. Pas de favori donc 🙂 merci pour ton compliment et j’espère que ces deux articles te donneront envie de lire aussi les mots de cette auteure américaine. Je crois que ces deux titres pourraient te plaire…
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